Catholicisme identitaire

Julien Langella, président d'Academia Christiana, l'une des organisations représentant le catholicisme identitaire en France.

Le « catholicisme identitaire » est une expression qui désigne qu'une orientation politique devient plus important que la foi chrétienne, qu'elle se soumet. En France, depuis « la Manif pour tous » cette expression est devenue courante.

Définition[modifier | modifier le code]

L'identitarisme dans le catholicisme français est, selon Erwan Le Morhedec, une tentation « de certains milieux catholiques français déstabilisés par la perte d'influence de l'Église dans le débat public, l'enracinement durable de l'islam et la crise migratoire »[1],[2]. Cette tentation consiste en un « "politique d'abord" d'un Charles Maurras, plus séduit par la puissance structurante de l'institution ecclésiale que par sa filiation évangélique »[1], menant, en fin de compte, à « l'accaparement et la récupération du christianisme à des fins étrangères »[2] : l'identitarisme permet d'être religieusement païen et politiquement catholique[3].

Pour Erwan Le Morhedec certains catholiques seraient tentés de se rattacher davantage aux marqueurs rituels et culturels du catholicisme plutôt qu’à leur propre foi .« Au sein de la tentation identitaire, c’est la politique qui prend le pas sur la foi, c’est la soumission de la foi à la politique. » Pour l'auteur, l’identitarisme serait une idéologie, un emprisonnement individuel, voire une mystification spirituelle[4].

On parle également d'un christianisme identitaire en Irlande où le conflit politique se voit redoublé d'un choc confessionnel entre catholiques et protestants, « entre les "verts" (catholiques, nationalistes) et les "oranges" (protestants, unionistes) »[5].

En Hongrie, Viktor Orbán soigne un catholicisme identitaire hongrois, mélangeant religion et politique, en « cherche à tirer profit de la "rechristianisation" » du pays[6].

La notion de « catholicisme identitaire » est à distinguer de celle du « catholicisme d'identité », expression des années 80, proposée par le politologue Philippe Portier[7],[8],[9].

Évolution[modifier | modifier le code]

Guillaume Cuchet note que cinq facteurs ont pu contribuer à renforcer les tendances « identitaires » ou droitières du catholicisme français : le devenir minoritaire du catholicisme dans la société française, le meilleur taux de reproduction — au sens de la transmission de la foi et des valeurs chrétiennes — parmi les courants conservateurs, « l'exculturation » tendancielle du catholicisme dans toute une partie de la société française[note 1], la tendance du clivage droite-gauche à se définir de plus en plus sur le terrain sociétal, et la montée de l’Islam. Il note que des tendances s'exercent cependant en sens inverse : l’avènement du pape François en mars 2013, l'arrivée de populations chrétiennes d’origine immigrée qui contrebalancerait une tendance à l'embourgeoisement du milieu catholique, et l’évolution possible des jeunes catholiques « identitaires » de la « Manif pour tous »[7]. C'est en particulier après « la Manif pour tous » que l'expression est devenue courante[10].

Représentants[modifier | modifier le code]

Selon La Croix, l'homme politique Éric Zemmour manifeste un catholicisme identitaire[11], L'Express y voit Philippe de Villiers. Selon Timothée de Rauglaudre, Michel Onfray doit être compté parmi les amis des catholiques identitaires[12].

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Philippe Portier, « Le mouvement catholique français au XXe siècle. Retour sur un processus de dérégulation », dans Jean Baudouin et Philippe Portier (dir.), Le mouvement catholique français à l’épreuve de la pluralité, Presses universitaires de Rennes, , pp. 17-47.
  • Philippe Portier, « Pluralité et unité dans le catholicisme français », dans Céline Béraud, Frédéric Gugelot et Isabelle Saint-Martin (dir.), Catholicisme en tensions, EHESS, coll. « En temps et lieux », , p. 19-36.
  • Guillaume Cuchet, « Identité et ouverture dans le catholicisme français », Études, no 2,‎ , p. 65-76 (lire en ligne).
  • Yann Raison du Cleuziou, « L’identité catholique française en tension: », Esprit, vol. Mars-Avril, no 3,‎ , p. 19–23 (ISSN 0014-0759, DOI 10.3917/espri.1703.0019, lire en ligne).
  • Bruno Dumons (dir.) et Frédéric Gugelot (dir.), Catholicisme et identité : Regards croisés sur le catholicisme français contemporain (1980-2017), Karthala, , 332 p. (ISBN 9782811118396, lire en ligne).

Notes et références[modifier | modifier le code]

Liens internes[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. L'exculturation, concept attribué à Danièle Hervieu-Léger, signifie que le catholicisme n'est plus spontanément identifié comme faisant partie de la culture de la société française.

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Edouard de Mareschal, « Le christianisme au défi de l'identité », sur Le Figaro, (consulté le )
  2. a et b Erwan Le Morhedec, Identitaire: le mauvais génie du christianisme, les Éditions du Cerf, (ISBN 978-2-204-10930-7)
  3. « Les catholiques dans le piège de l’identité ? », sur France Culture, (consulté le )
  4. « Les catholiques dans le piège de l’identité ? », France Culture,‎ (lire en ligne)
  5. Sébastien Fath, « Irlande et recul du christianisme identitaire », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
  6. « En Hongrie, Viktor Orban soigne le catholicisme identitaire », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. a et b Guillaume Cuchet, « Identité et ouverture dans le catholicisme français », Études, no 2,‎ , p. 65-76 (lire en ligne)
  8. Guillaume Cuchet cite notamment : Philippe Portier, « Le mouvement catholique français au XXe siècle. Retour sur un processus de dérégulation », dans Jean Baudouin et Philippe Portier (dir.), Le mouvement catholique français à l’épreuve de la pluralité, Presses universitaires de Rennes, 2002, p. 17-47 ; Philippe Portier, « Pluralité et unité dans le catholicisme français », dans Céline Béraud, Frédéric Gugelot et Isabelle Saint-Martin (dir.), Catholicisme en tensions, EHESS, « En temps et lieux », 2012, p. 19-36.
  9. Céline Béraud et Bruno Dumons (dir.), Catholicisme et identité. Regards croisés sur le catholicisme français contemporain (1980-2017), Paris, Karthala, , p. 5-8
  10. Kévin Boucaud-Victoire, « Les catholiques sont-ils devenus identitaires ? », Marianne,‎ (lire en ligne)
  11. « « L’identitarisme chrétien de Zemmour est essentiellement une idolâtrie » », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
  12. « Michel Onfray, l'ami athée des catholiques identitaires », sur Slate, (consulté le ).