Longue Marche 5

Longue Marche 5
Lanceur spatial
La seconde Longue Marche 5 le 26 juin 2017.
La seconde Longue Marche 5 le 26 juin 2017.
Données générales
Pays d’origine Drapeau de la République populaire de Chine Chine
Constructeur Académie chinoise de technologie des lanceurs
Premier vol 3 novembre 2016
Période développement 2007-2015
Statut En service
Lancements (échecs) 9 (1)
Hauteur 53,66 m
Diamètre m
Masse au décollage 867 t
Étage(s) 2
Base(s) de lancement Wenchang
Version décrite CZ-5
Autres versions CZ-5B
Charge utile
Orbite basse 25 t (CZ-5B)
Orbite héliosynchrone 15 t
Transfert géostationnaire (GTO) 14 t (CZ-5)
Dimension coiffe 20,5 x 5,2 (dia.) m
Motorisation
Ergols Kérosène / LOX
Hydrogène liquide/LOX
Propulseurs d'appoint 4 x CZ-5-300 : 2 x YF-100
1er étage CZ-5-500 : 2 x YF-77
2e étage CZ-5-HO : 2 x YF-75D
Missions
Station spatiale, sondes spatiales
Les lanceurs Longue Marche 7 et Longue Marche 5 (à droite) : le corps des fusées présentées a un diamètre compris entre 3,35 m et 5 m.

La fusée Longue Marche 5 (LM-5, CZ-5 ou encore Chang Zheng 5 ; en chinois : 长征五号 ; pinyin : Chángzhēng wǔ hào) est un lanceur lourd chinois capable de placer une charge utile de 25 tonnes en orbite basse (en version CZ-5B) et de 13 tonnes en orbite de transfert géostationnaire. Avec la fusée légère Longue Marche 6 et les fusées de moyenne puissance Longue Marche 7 et 8, la CZ-5 fait partie de la nouvelle génération de fusées chinoises développées dans le but de compléter et à terme remplacer la famille des lanceurs Longue Marche 2, 3 et 4 héritée des débuts du programme spatial chinois.

La CZ-5 utilise de nouveaux moteurs performants et brûlant un mélange semi-cryogénique kérosène / oxygène liquide, ce qui permet à la Chine de disposer d'un lanceur lourd comparable à ceux des autres grandes puissances spatiales. Cette fusée doit jouer un rôle central dans le programme spatial du pays en permettant notamment l'assemblage de la future station spatiale chinoise, des missions ambitieuses d'exploration du système solaire ainsi que les versions les plus lourdes de ses satellites de télécommunications.

Le premier vol du lanceur a lieu le et est un succès. La fusée a décollé depuis la nouvelle base de lancement de Wenchang construite notamment pour son usage et située dans l'île de Hainan dans le sud-ouest de la Chine. Le deuxième tir le est un échec, victime d'une défaillance du premier étage, ce qui provoque une interruption des vols de deux ans. Le lanceur reprend du service le avec succès, la version CZ-5B optimisée pour l'envoi de charge lourde en orbite basse réalise son premier vol le .

Historique[modifier | modifier le code]

Remplacement de lanceurs obsolètes et d'une capacité limitée[modifier | modifier le code]

Au début des années 2000, la Chine utilise toujours sa première génération des lanceurs (Longue Marche 2, 3 et 4) dérivés du missile balistique intercontinental DF-5. Peu performants par rapport aux lanceurs des autres nations spatiales, ceux-ci utilisent des ergols UDMH/N2O4 toxiques et coûteux qui sont en voie de bannissement partout dans le monde[1]. Avec ses lanceurs, la Chine peut placer en orbite basse des engins spatiaux d'une masse maximale de 10 tonnes environ : il manque un lanceur lourd capable de répondre aux besoins de son programme spatial en pleine expansion. Celui-ci nécessite désormais de placer en orbite géostationnaire des satellites de télécommunications lourds, de lancer des missions d'exploration du système solaire ambitieuses (mission de retour d'échantillon lunaire, rover martien) et d'assembler des composants de la station spatiale chinoise dont la masse unitaire approche les 20 tonnes. Pour répondre à ces besoins, le développement d'une nouvelle famille de lanceurs baptisée Longue Marche 5 et comprenant notamment un lanceur lourd est annoncé par le gouvernement chinois en avec comme objectif un premier lancement en 2008. Mais les moyens financiers correspondant ne sont débloqués qu'en 2007.

Construction de l'usine de Tianjin[modifier | modifier le code]

La construction d'une usine destinée à la fabrication de cette nouvelle famille de lanceurs démarre en . Le site retenu est situé non loin des installations portuaires de la ville côtière de Tianjin pour faciliter le transport des composants des lanceurs jusqu'à la base de lancement de Wenchang dans l'île de Hainan dont la construction est lancée en parallèle. Cette implantation permet d'utiliser la voie maritime pour le transport des étages de 5,2 mètres de diamètre dont l'encombrement est incompatible avec le gabarit autorisé par la voie ferrée. Deux navires de transport d’un déplacement pleine charge de 9 080 tonnes chacun, Yuan Wang-22 et Yuan Wang-23, ont été construits à cet effet[2].

La nouvelle usine, dont le coût est estimé à 650 millions de dollars américains, a une superficie totale de 500 000 m2. La première tranche est achevée en 2009[3].

Construction de la base de lancement de Wenchang[modifier | modifier le code]

La construction de la base de lancement de Wenchang qui a débuté en 2009 s'achève en 2014. La base comprend deux pas de tir : l'un est destiné à la Longue Marche 5 et l'autre au lanceur moyen Longue Marche 7. Ce dernier inaugure les installations avec un premier vol réussi qui intervient le [4].

Développement du lanceur et vol inaugural[modifier | modifier le code]

Le développement des moteurs du nouveau lanceur débute en 2001 et les tests au banc d'essais lancés en 2005 s'achèvent mi-2007. Le premier lancement de la CZ-5 reporté à plusieurs reprises est finalement fixé à début . Une maquette du lanceur Longue Marche 5 arrive sur la base en pour mettre au point les installations de lancement. À la fin août 2016, le premier lanceur prêt pour le vol est acheminé par voie maritime depuis l'usine de Tanjin. Le vol inaugural a lieu le [5].

La deuxième génération des lanceurs Longue Marche[modifier | modifier le code]

Lors du lancement du projet de lanceur Longue Marche 5, celui-ci doit être développé dans plusieurs versions dont la capacité d'emport s'échelonne entre 10 tonnes et 25 tonnes en orbite basse et entre 6 tonnes à 14 tonnes en orbite de transfert géostationnaire. Toutes les versions partagent de nombreux composants communs comme les moteurs ou les étages. Tout en conservant le principe des composants communs, les différentes versions de lanceurs de cette famille ont reçu par la suite des désignations différentes et la Longue Marche 5 ne désigne plus désormais que la version lourde de cette deuxième génération de lanceurs Longue Marche. Les autres membres de cette famille sont les lanceurs Longue Marche 6 (lanceur léger) et Longue Marche 7 (lanceur moyen)[6],[7].

Composants communs aux lanceurs de la génération Longue Marche 5[8],[9],[10]
Composant Origine Longue Marche 5 Longue Marche 6 Longue Marche 7
Charge utile orbite basse : 25 tonnes (CZ-5B) 1,5 tonne 13,5 tonnes
Moteur YF-100 Nouveau Propulseurs d'appoint 1er étage - Propulseurs d'appoint
- 1er étage
Moteur YF-115 Nouveau - 2e étage étage supérieur
Moteur YF-75 Longue Marche 3 2e étage - -

Versions[modifier | modifier le code]

Le lanceur lourd Longue Marche 5 est décliné en deux versions. La version de base (CZ-5) comporte deux étages centraux et quatre propulseurs d'appoint ; elle sera utilisée pour desservir l'orbite héliosynchrone et les orbites hautes. La version CZ-5B se différencie par l'absence de second étage : elle est utilisée pour placer en orbite basse des charges utiles lourdes pouvant aller jusqu'à 23 tonnes[8]. La fusée est conçue pour un taux de fiabilité de 98 % (les fusées chinoises actuelles ont un taux de 91 %)[11].

Caractéristiques techniques[modifier | modifier le code]

Longue Marche 5 comparé à[12],[13],[14],[15],[16],[17],[18]...
Charge utile
Lanceur Masse Hauteur Orbite
basse
Orbite
GTO
Drapeau de la République populaire de Chine Longue Marche 5 867 t 57 m 25 t (CZ-5B) 14 t
Drapeau de l’Union européenne Ariane 5 ECA 777 t 53 m 21 t 10,5 t
Drapeau des États-Unis Atlas V 551 587 t 62 m 18,5 t 8,7 t
Drapeau des États-Unis Delta IV Heavy 733 t 71 m 29 t 14,2 t
Drapeau des États-Unis Falcon 9 FT 549 t 70 m 23 t 8,3 t
Drapeau de la Russie Proton-M/Briz-M 713 t 58,2 m 22 t t
Drapeau de la Russie Angara A-5/Briz-M 773 t 55,4 m 24,5 t 5,4 t
Drapeau du Japon H-IIB 531 t 56,6 m 19 t t

La version de base CZ-5 comprend 2 étages centraux d'un diamètre de 5,2 mètres et 4 propulseurs d'appoint tandis que la version CZ-5B s'en distingue par l'absence de deuxième étage. Enfin la version de base peut recevoir un troisième étage. La version de base a une hauteur de 57 mètres pour une masse de 867 tonnes. La CZ-5B est haute de 53,7 mètres pour une masse de 837 tonnes.

Premier étage[modifier | modifier le code]

Le premier étage CZ-5-500 est haut de 33,2 mètres et a un diamètre de 5 mètres pour une masse à vide de 20 tonnes. La structure est en alliage d'aluminium. L'étage emporte 175 tonnes d'ergols et est propulsé par deux moteurs YF-77 développés pour cette génération de lanceurs qui fournissant une poussée unitaire de 510 kilonewtons au sol (700 kN dans le vide) en brûlant un mélange hydrogène liquide/oxygène liquide. Ces moteurs alimentés par turbopompe sont à combustion étagée et cycle ouvert. La pression dans la chambre de combustion est de 102 bars. Les moteurs ont une impulsion spécifique de 310 secondes au sol et de 426 secondes dans le vide. Les réservoirs qui ont des fonds séparés sont pressurisés par les gaz produits par les moteurs. La durée de la combustion de l'étage est d'environ 520 secondes[8].

Propulseurs d'appoint[modifier | modifier le code]

Le premier étage est assisté au décollage par quatre propulseurs d'appoint CZ-5-300 qui fournissent l'essentiel de la poussée. Les quatre propulseurs d'appoint ont un diamètre de 3,35 mètres et sont longs de 27,6 mètres. Leur masse à vide est de 14 tonnes et la structure est réalisée en alliage d'aluminium. Les réservoirs ont des fonds séparés. Ils sont propulsés par deux moteurs-fusées YF-100 orientables d'une poussée unitaire de 122 tonnes (environ 1 180 kN) au sol (1340 kN dans le vide) brûlant un mélange de kérosène et d'oxygène liquide. Ce moteur dont le développement a démarré en 2010 est basé sur le moteur russe de conception très avancée (combustion étagée) RD-120 dont la Chine a acquis des exemplaires dans les années 1990. La pression dans la chambre de combustion est de 180 bars. Le moteur a une impulsion spécifique au sol de 300 secondes et dans le vide de 335 secondes. La poussée peut être modulée de 65 à 100%. La durée de la combustion est d'environ 170 secondes. Les moteurs peuvent être orientés selon deux axes pour modifier l'axe de la poussée. Les ergols sont mis sous pression par de l'hélium[8].

Deuxième étage[modifier | modifier le code]

Le deuxième étage CZ-5-HO est haut de 11,5 mètres pour un diamètre de 5 mètres. Réalisée en alliage d'aluminium, sa structure avec les moteurs a une masse à vide est de 3,6 tonnes et l'étage emporte 26,5 tonnes d'ergols. Il utilise une version améliorée du moteur YF-75 (YF-75D) utilisé sur les lanceurs existants dont la poussée totale est de 176,52 kN. L'impulsion spécifique est de 442 secondes. Les moteurs peuvent être redémarrés plusieurs fois. Le rapport de section des tuyères est de 80. La durée de combustion totale est de 650 secondes. Les moteurs sont montés sur vérin pour l'orientation de l'étage. Durant les phases non propulsées, l'étage utilise des petits moteurs auxiliaires pour maintenir son orientation. Les réservoirs sont pressurisés par de l'hélium[8].

Troisième étage YZ-2 (optionnel)[modifier | modifier le code]

Pour placer des engins spatiaux sur une orbite haute, le modèle de base pourra utiliser un troisième étage, pouvant être rallumé au moins une fois, dérivé de l'étage Yuanzheng-1 (YZ-1) utilisé par la fusée Longue Marche 3 depuis 2015. L'étage Yuanzheng-2 (YZ-2) utilise une paire de moteurs-fusées YF-50D brûlant un mélange hypergolique de UDMH et de peroxyde d'azote. Chaque moteur a une poussée de 6,5 kN et une impulsion spécifique dans le vide de 315,5 secondes[8].

Coiffe[modifier | modifier le code]

Le module Tianhe de la station spatiale chinoise dans la coiffe du lanceur avant son lancement.

Deux coiffes peuvent être utilisées. La version courte du lanceur CZ-5B utilise une version allongée de 20,5 mètres et d'un diamètre interne de 4,5 mètres (diamètre externe 5,2 mètres) qui peut être utilisée par exemple pour le lancement des modules de la station spatiale chinoise. La version de la coiffe utilisée par le modèle de base a une longueur de 12,27 mètres[8].

Caractéristiques techniques du lanceur[8]
Version CZ-5 CZ-5B
Caractéristiques générales
Etages 2,5 1,5
Hauteur 57 m 53,7 m
Diamètre 5,2 m
Masse au lancement 867 t 837 t
Poussée 10 524 kN
Charge utile orbite héliosynchrone : 15 t
orbite de transfert géostationnaire : 13 t
orbite basse : 23 t
Coiffe
Hauteur 12,3 m / 20,5 m
Diamètre 5,2 m
Masse ?
Propulseurs d'appoint
Désignation CZ-5-300
Nombre 4
Hauteur 27,6 m
Diamètre 3,35 m
Masse totale (dont ergols) K-3-1 : 616 t
(560 t ergols)
Propulsion 2 x YF-100 par propulseur
(poussée totale 4821 kN)
Ergols Kérosène et oxygène liquide
Durée de combustion 170 s
1er étage
Désignation H-5-1
Hauteur 31 m
Diamètre 5 m
Masse au lancement (dont ergols) 173 t (158,6 t ergols)
Propulsion YF-77 x 2 (poussée totale : 1373 kN)
Ergols Hydrogène et oxygène liquide
Durée de combustion 485 s
2e étage
Désignation H-5-2 -
Hauteur 10 m -
Diamètre 5 m -
Masse au lancement (dont ergols) 29,5 t (27,5 t ergols) -
Propulsion YF-75D (poussée 196 kN) -
Ergols Hydrogène et oxygène liquide -
Durée de la combustion 600 s -

Installations de lancement[modifier | modifier le code]

Le seul complexe de lancement du lanceur Longue Marche 5 se trouve dans la base de Wenchang inaugurée en 2014 et située dans l'île de Hainan dans le sud-ouest de la Chine. Les composants de la fusée sont transportés depuis leur site de fabrication dans des containers à grand gabarit par un cargo qui les décharge dans le petit port de Qinglan situé à Sanya à quelques dizaines de kilomètres de la base. Les différents éléments du lanceur ainsi que la charge utile sont assemblés dans le bâtiment "501" en position verticale à l'aide d'une grue située dans cet édifice. Le bâtiment haut de 99,4 mètres comporte 15 étages dont un en sous-sol pour permettre aux équipes d'intervenir sur le lanceur. La fusée est posée sur une plateforme mobile circulant sur deux voies ferrées écartées de 20 mètres. La plateforme comporte un mât ombilical qui comprend 6 bras d'alimentation en électricité, ergols, etc. situés à différentes hauteurs. Une fois l'assemblage achevé, la plateforme transporte en 2-3 heures le lanceur jusqu'au pas de tir 101 situé à 2,8 km du bâtiment d'assemblage[19],[20].

Historique des vols[modifier | modifier le code]

Vol inaugural (3 novembre 2016)[modifier | modifier le code]

Le vol inaugural du lanceur Longue Marche 5 eut lieu le  : le lanceur décolle à 12h43 TU et la phase propulsée se déroule de manière nominale. Le lancement est effectué depuis le pas de tir de la base de lancement de Wenchang destiné au lanceur construit sur la base dans l'île de Hainan dans le sud-ouest de la Chine. Après les fusées Longue Marche 6 (lanceur léger à propulsion liquide), Longue Marche 11 (lanceur léger à propergol solide) et Longue Marche 11 (lanceur moyen), il s'agit du quatrième lanceur chinois effectuant son premier vol sur une période de 14 mois. Cette première mission du lanceur lourd est destinée à tester son fonctionnement. Elle utilise la version à deux étages coiffée de l'étage supérieur YZ-2 et emporte le satellite expérimental Shijian-17 YZ-2. L'ensemble formé par l'étage supérieur et Shijian-17 a une masse évaluée à environ 13 tonnes[5],[19],[21].

Échec du second vol (2 juillet 2017)[modifier | modifier le code]

Pour son deuxième vol qui a lieu le , le lanceur Longue Marche 5 doit placer sur une orbite géostationnaire Shijian-18, un satellite de télécommunications expérimental de 7,5 tonnes. Celui-ci utilise pour la première fois la plateforme DFH-5 qui met en œuvre des techniques les plus avancées et constitue le plus gros satellite lancé par la Chine. 5 minutes et 47 secondes après le décollage, la vidéo retransmise par la fusée montre l'apparition d'un jet de gaz blanc qui semble résulter d'une brèche dans l'ensemble propulsif du premier étage. L'extinction de celui-ci, programmée après 465 secondes de vol, a lieu 105 secondes plus tard semblant indiquer que le système de pilotage du lanceur a tenté de compenser une insuffisance de poussée. Le second étage prend le relais mais s'éteint après seulement 3 minutes et 15 secondes, une durée beaucoup plus courte que celle programmée. Dès l'extinction du premier étage, le lanceur, dont la vitesse est insuffisante, perd de l'altitude. Le satellite ne parvient pas à se placer en orbite[22]. La perte, selon certaines sources, serait chiffrée à 1,8 milliard de yuans (232 millions d’euros) et retardera les missions lunaires prévues[2]. L'échec est attribué à la défaillance structurelle d'une turbopompe d'un moteur YF-77 du premier étage. L'immobilisation du lanceur a des conséquences importantes sur le calendrier de l'ambitieux programme d'exploration lunaire du pays[23].

Reprise des vols (27 décembre 2019)[modifier | modifier le code]

Après une longue interruption de plus de deux ans, le lanceur effectue un troisième vol réussi le en plaçant sur une orbite géostationnaire le satellite de télécommunications Shijan-20. Celui-ci inaugure une nouvelle plateforme DFH-5 disposant d'un débit en bande Ka de 70 gigabits de données par seconde et disposant d'une liaison descendante laser infrarouge allant jusqu'à 4,8 gigabits par seconde[24].

Premier vol de la version 5B (5 mai 2020)[modifier | modifier le code]

Vidéo du décollage de la première Longue Marche 5B

Le premier vol de la version 5B a lieu le à 10h UTC, la CASC confirmant le succès du lancement 20 minutes après le décollage. Cette version sans deuxième étage est capable de placer plus de 22 tonnes en orbite basse et dispose d'une coiffe de 20,5 m de longueur pour 5,2 m de diamètre. La charge utile est placée en orbite 488 secondes après le décollage. Il s'agit d'un prototype du vaisseau spatial habité chinois de nouvelle génération, d'une longueur de 8,8 m et d'une masse de 21,6 tonnes[25]. Le vaisseau réalise sept manœuvres de haussement d'orbite à l'aide de sa propre propulsion, atteignant un apogée d'environ 8 000 km, afin de tester une rentrée à grande vitesse similaire à un retour de l'orbite lunaire. Il allume une dernière fois sa propulsion le à h 21 UTC pour se désorbiter. Le module d'équipage et le module de service se séparent à h 33 UTC. La vitesse lors de la rentrée atmosphérique dépasse les 9 km/s. La capsule ralentit sa descente avec trois parachutes, amortissant l'impact final avec le sol à l'aide d'airbags à h 49 UTC en Mongolie Intérieure dans le désert de Dongfeng, mettant fin à la mission de 67 heures du vaisseau[26].

Lors du lancement, la Longue Marche 5B insère également son étage central dans une orbite elliptique de 151 par 317 km avec une inclinaison de 41 degrés. L'étage vide possède alors une masse d'environ 20 tonnes, pour une longueur de 31,7 m et un diamètre de 5 m. Le à 15 h 33 UTC, l'étage rentre dans l'atmosphère au-dessus de l'océan Atlantique, ne provoquant aucun dégât. Quinze minutes auparavant, il survolait la ville de New York à seulement 170 km d'altitude. Un accident potentiel a donc été évité[27]. Certains rapports indiquent toutefois que des débris sont tombés en Côte d'Ivoire[28],[29]. Il s'agit du plus gros objet à effectuer une rentrée incontrôlée depuis la désintégration de la station spatiale soviétique Saliout 7 en 1991[27],[30].

Second vol de la version 5B (29 avril 2021)[modifier | modifier le code]

Déclin d'orbite de l'étage central lors de sa rentrée atmosphérique incontrôlée. Altitude (km) en fonction du temps (UTC). Courbe rouge : apoapse (apogée) ; courbe bleue : péripapse (périgée).

Le second vol de la version 5B a lieu le à h 23 UTC. Elle emporte en orbite terrestre basse le module Tianhe, premier élément de la station spatiale chinoise d'une masse de 22 tonnes pour une longueur de 16,6 mètres et un diamètre de 4,2 mètres. Le lancement est un succès et le module s'insère dans une orbite de 370 km d'altitude et de 41,5° d'inclinaison[31],[32]. Comme lors du premier vol de la Longue Marche 5B en , l'étage central s'insère en orbite autour de la Terre avec sa charge utile et devient un débris spatial. Du fait de sa taille très importante et de la faible altitude de son orbite, le freinage atmosphérique provoque un déclin d'orbite le condamnant à effectuer une rentrée atmosphérique non contrôlée. L’événement suscite une importante couverture médiatique vu la taille de l'étage et l'incertitude quant au moment et à l'endroit de sa rentrée dans l'atmosphère. Des experts nuancent le danger, indiquant que la probabilité que des débris tombent sur une zone habitée est très petite, un argument repris par la diplomatie chinoise. La rentrée atmosphérique a finalement lieu le à h 15 UTC au-dessus de l'Arabie, les débris retombant dans l'Océan Indien à h 24 UTC au large des Maldives[33],[34].

Débris spatiaux[modifier | modifier le code]

La variante Longue Marche 5B présente une particularité spécifique : son premier étage (étage central) s'insère en orbite autour de la Terre avec sa charge utile[35],[36]. Comme il pèse environ 20 tonnes, et qu'il n'a actuellement pas la capacité de rentrée atmosphérique contrôlée, il devient un énorme débris spatial, capable de causer des dommages au sol lors de sa rentrée, qui survient rapidement compte tenu de sa taille très importante et de la faible altitude de son orbite[37]. Sans modification, il est prévu que tous les lancements LEO de la Longue Marche 5B entraîneront des rentrées incontrôlées[38],[39]. Ce problème ne se pose pas pour la majorité des lanceurs où ce sont les seconds étages qui sont placés en orbite. Beaucoup plus petits, ils disposent de plus en plus souvent de capacités de désorbitation (rallumage des moteurs...) et brûlent dans l'atmosphère lors de leur rentrée : leur petite taille diminue d'autant plus la probabilité qu'un morceau non brûlé ne touche la surface.

Les solutions potentielles incluent le redémarrage des moteurs lors de la rentrée pour réduire la vitesse et la probabilité de collision, comme c'est le cas pour Longue Marche 2D. La Chine a également développé des panneaux cellulaires pour effectuer des rentrées contrôlées[40]. Cependant, Longue Marche 5B n'a pas encore démontré ces capacités[36].

Le choix d'une rentrée non contrôlée semble aussi reposer sur le fait que de toute façon, seule une infime minorité des terres émergées, elles-mêmes ne constituant qu'un quart de la surface terrestre, n'est habitée, ce qui rend la possibilité de dommages improbable. Cependant, des débris de la fusée lancée en mai 2020 retombent bel et bien au sol, en Côte d'Ivoire[41],[42]. Certains scientifiques craignent que cette attitude laxiste partagée par de nombreux pays puisse finalement entraîner des victimes[43].

En réponse aux critiques, la CNSA a affirmé avoir pris des mesures pour garantir des rentrées en toute sécurité. Xu Yansong, ancien directeur de la coopération internationale à la CNSA, a déclaré au public lors de la diffusion en direct de la CNSA pour 5B-Y3 que le processus de rentrée a été amélioré grâce au « processus de passivation » (chinois : 钝化处理[44]), et que l'étage central a été spécialement conçu avec des matériaux plus légers afin que la grande majorité des composants soient brûlés lors de la rentrée[45],[46]. Avant le lancement du 5B-Y4, Liu Bing, directeur-concepteur adjoint du programme Longue Marche 5B, a déclaré aux journalistes qu'« une évaluation approfondie » avait été effectuée sur la 5B pour permettre une rentrée en toute sécurité, mais aucun détail concernant la procédure de réentrée améliorée n'a été révélé[47].

Les étages des lancements 5B-Y2, 5B-Y3 et 5B-Y4 finissent dans l'océan[42],[48].

Liste des vols[modifier | modifier le code]

Lancements passés[modifier | modifier le code]

Historique des lancements
Vol no  Date de lancement (UTC) Base de lancement Modèle Charge(s) utile(s) Orbite Résultat Remarques
Y1 [49] Wenchang, ZL-101 5 Shijian 17, satellite de télécommunication GEO Succès
Y2 [50] Wenchang, ZL-101 5 Shijian 18, satellite de télécommunication GTO Échec Défaillance technique d'un des moteurs-fusées du premier étage du lanceur.
Y3 [25] Wenchang, ZL-101 5 Shijian 20, satellite de télécommunication GTO Succès
5B-Y1 [25] Wenchang, ZL-101 5B Vaisseau spatial habité de nouvelle génération LEO Succès Premier vol de la CZ-5B. L'étage central se désintègre au-dessus de l'Océan Atlantique mais des débris tombent en Côte d'Ivoire.
Y4 Wenchang, ZL-101 5 Tianwen-1, sonde martienne, atterrisseur, orbiteur et rover TMI Succès
Y5 Wenchang, ZL-101 5 Chang'e 5, sonde lunaire de retour d'échantillons TLI Succès
5B-Y2 [51] Wenchang, ZL-101 5B Tianhe, module central de la Station spatiale chinoise LEO Succès L'étage central se désintègre au-dessus de l'Océan Indien sans faire de dégât.
5B-Y3 [52] Wenchang, ZL-101 5B Wentian, 1er module expérimental de la station spatiale chinoise LEO Succès Les débris de l'étage central ont chuté en mer de Sulu[53].
5B-Y4 [54] Wenchang, ZL-101 5B Mengtian, 2d module expérimental de la future station spatiale chinoise LEO Succès Une partie des débris devrait chuter dans une zone couvrant l'Amérique centrale, les États-Unis, l'océan Atlantique Nord, le bassin méditerranéen, l'Afrique, l'Arabie, l'océan Indien et l'Océanie[54].
Y6 [55] Wenchang, ZL-101 5 Yaogan 41, satellite de reconnaissance militaire GSO Succès Satellite estimé comme essentiellement dédié à l'observation optique.
Y7 [56] Wenchang, ZL-101 5 TJS 11, satellite de communication militaire GEO Succès

Lancements prévus[modifier | modifier le code]

Vol no  Date Version Site de lancement Charge utile Orbite Résultat
5B-Y5 2023[57] 5B Wenchang, ZL-101 Xuntian, grand télescope spatial de la station spatiale Tiangong LEO Prévu
2024[57] 5 Wenchang, ZL-101 Chang'e 6, sonde lunaire de retour d'échantillons TLI Prévu
2024[57] 5 Wenchang, ZL-101 Chang'e 7, mission d'exploration de l'Antarctique lunaire TLI Prévu
2027 5 Wenchang, ZL-101 Chang'e 8 TLI Prévu
2029 5 Wenchang, ZL-101 Tianwen 4, orbiteur de Jupiter Orbite héliocentrique Prévu

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Site Bernd-leitenberger Langer Marsch 5 (ChangZheng 5)
  2. a et b Henri Kenhmann, « Longue Marche 5 : Échec du 2ème vol », sur eastpendulum.com, (consulté le ).
  3. (en) « New carrier rocket series to be built », China Daily.
  4. (en) Patric Blau, « China debuts Long March 7 Rocket from new Wenchang Satellite Launch Center », .
  5. a et b (en) Patric Blau, « China’s new Heavy-Lift Rocket rolls to Hainan Island Launch Pad for Shakedown Mission », .
  6. (en) « ChangZheng 5 (Long March 5) Launch Vehicle », SinoDefence.com,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. « Space Launch Report: CZ-5 Data Sheet »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), Geocities.com,
  8. a b c d e f g et h (en) Patric Blau, « Long March 5 Launch Vehicle » (consulté le ).
  9. (en) Patric Blau, « Long March 6 Launch Vehicle » (consulté le ).
  10. (en) Patric Blau, « Long March 7 Launch Vehicle » (consulté le ).
  11. Site Astronautix : la famille de lanceurs Longue Marche 5
  12. (en) Patric Blau, « Long March 5 Launch Vehicle » (consulté le ).
  13. (en) Patric Blau, « Proton-M/Briz-M – Launch Vehicle » (consulté le ).
  14. (en) Patric Blau, « Falcon 9 FT (Falcon 9 v1.2) » (consulté le ).
  15. (en) Patric Blau, « Delta IV Heavy – RS-68A Upgrade » (consulté le ).
  16. (en) Patric Blau, « Atlas V 551 » (consulté le ).
  17. (en) Patric Blau, « Ariane 5 ECA » (consulté le ).
  18. (en) Patric Blau, « H-IIB Launch Vehicle » (consulté le ).
  19. a et b (en) « Long March 5 to make debut flight in early November », sur Chinaspacereport, .
  20. (en) « Wenchang Space Launch Centre », sur chinaspacereport.com (consulté le ).
  21. (en) Patric Blau, « China’s Long March 5 Heavy-Lift Rocket achieves full Success in Inaugural Mission », .
  22. (en) Patric Blau, « China’s Long March 5 Fails on Second Orbital Mission, innovative Shijian-18 Satellite lost », .
  23. (en) Patric Blau, « 2017 Space Launch Statistics », sur spaceflight101.com, .
  24. (en) Chris Gebhardt, « Long March 5 conducts critical Return To Flight mission », sur nasaspaceflight.com, .
  25. a b et c (en) Andrew Jones, « Long March 5B launch clears path for Chinese space station project », sur SpaceNews, (consulté le ).
  26. (en) Andrew Jones, « New Chinese spacecraft landing marks step toward future crewed lunar missions », sur SpaceNews, (consulté le ).
  27. a et b (en-US) Stephen Clark, « China’s massive Long March 5B’s rocket falls out of orbit over Atlantic Ocean – Spaceflight Now » (consulté le ).
  28. Eric Bottlaender, « L'étage de fusée qui a emmené la station chinoise en orbite va retomber sur Terre... Mais où ? », sur Clubic.com, (consulté le ).
  29. « Chute de débris de Fusée, Pékin avoue et veut négocier avec Abidjan », sur afrique-sur7.fr (consulté le ).
  30. (en) Jonathan McDowell, « At 11:21 Eastern time the CZ-5B rocket is predicted to pass 170 km directly above Central Park, New York. I've never seen a major reentry pass directly over so many major conurbations! », sur @planet4589, 2020t08:03 (consulté le ).
  31. (en-US) Andrew Jones, « China launches Tianhe space station core module into orbit », sur SpaceNews, (consulté le ).
  32. « La Chine lance le premier module de sa future station spatiale », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  33. (en-US) Andrew Jones, « Long March 5B falls into Indian Ocean after world follows rocket reentry », sur SpaceNews, (consulté le ).
  34. « Un segment de la fusée chinoise, dont le retour était incontrôlé, s’est désintégré au-dessus de l’océan Indien », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  35. Andrew Jones, « Huge rocket looks set for uncontrolled re-entry following Chinese space station launch », sur Space News,
  36. a et b Andrew Jones, « Massive Long March 5B booster predicted to re-enter on July 31 », sur Space News,
  37. Christian Shepherd, « Debris from China rocket launch to crash-land — and no one knows where », The Washington Post, Washington, D.C.,‎ (ISSN 0190-8286, OCLC 1330888409, lire en ligne)
  38. Stephen Clark, « NASA chief criticizes China for uncontrolled rocket re-entry », sur Spaceflight Now,
  39. Passant Rabie, « Another Problematic Launch Expected as China Seeks to Complete Its Space Station », sur Gizmodo,
  40. Adrian Beil, « China to launch Mengtian science module to Tiangong space station », sur NASA Spaceflight,
  41. Brett Tingley, « Whew! 23-ton Chinese rocket debris falls to Earth over Pacific Ocean », sur Space.com,
  42. a et b « Long March 5B: Debris from Chinese rocket falls back to Earth », BBC News,‎ (lire en ligne, consulté le )
  43. Kyle Barr, « Deaths From Falling Rocket Debris Are Highly Unlikely—but That's Changing », sur Gizmodo,
  44. (zh) « 中国:"长征五号"碎片造成危害的概率极低 », sur Deutsche Welle,‎
  45. Loren Grush, « It's time for another round of anxiety over a Chinese rocket booster falling back to Earth », sur The Verge,
  46. (zh) « 中国驳回对其运载火箭残骸的安全警告 », sur Deutsche Welle,‎
  47. Leonard David, « Chinese launch next week will set the stage for another big space-junk crash », sur Space.com,
  48. Jackie Wattles, « China's rocket booster falls from space, crash lands in the Pacific Ocean », sur CNN,
  49. (en) Jeff Foust, « Long March 5 launch fails », sur SpaceNews, (consulté le ).
  50. (en) Andrew Jones, « Successful Long March 5 launch opens way for China's major space plans », sur SpaceNews, (consulté le ).
  51. « La Chine lance le premier module de sa grande station spatiale », sur Ciel & Espace (consulté le ).
  52. « La Chine lance un nouveau module de sa station spatiale », sur France Info, (consulté le ).
  53. « La fusée chinoise s’est désintégrée au-dessus de l’océan Indien », sur Le Monde, (consulté le ).
  54. a et b « Fusée chinoise incontrôlable : ce que l'on sait de cet engin spatial qui doit s'écraser sur Terre ce vendredi 4 novembre », La Dépêche du Midi,‎ (lire en ligne, consulté le )
  55. (en) « China launches large classified optical satellite towards geostationary orbit », spacenews.com,‎ (lire en ligne, consulté le )
  56. (en) Gunter Dirk Krebs, « TJS 11 », Gunter's space page (consulté le )
  57. a b et c (en) « CHINESE LAUNCH MANIFEST », sur sworld.com.au, (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :