Cécidomyies des aiguilles du douglas

Les cécidomyies des aiguilles du douglas (Contarinia pseudotsugae sensu lato) sont un complexe d'espèces de diptères de la famille des Cecidomyiidae qui provoquent des galles sur les aiguilles du douglas (Pseudotsuga menziesii). Ce complexe comprend 3 espèces très proches morphologiquement : C. pseudotsugae, C. cuniculator et C. constricta qui ont une écologie similaire et ont été décrites en 1961 par Condrashoff au Canada[1]. Elles ne doivent pas être confondues avec d'autres cécidomyies vivant sur le douglas, en particulier dans les cônes, comme Contarinia oregonensis[2].

Biologie[modifier | modifier le code]

Cycle de vie[modifier | modifier le code]

Le cycle de vie a été décrit en détail au Canada par Condrashoff[3]. Les adultes pondent vers le mois de mai sur les jeunes aiguilles de l'année au niveau des bourgeons en train de débourrer. Les larves pénètrent ensuite dans les aiguilles et provoquent la formation d'une galle qui déforme les tissus et les colorent en jaune ou en rouge/pourpre et parfois peut déformer l'aiguille (variable selon les espèces[4]). Plusieurs larves peuvent pénétrer dans une même aiguille. Il faut ensuite attendre la mi-septembre pour voir apparaître le 3e (dernier) stade larvaire. Les larves quittent les aiguilles en novembre-décembre et sortent de préférence quand il fait froid, s'enterrent dans le sol et tissent un cocon sans se transformer en pupe pour passer l'hiver. Les larves de couleur rouge, jaune ou blanche peuvent couvrir le sol par millions à la fin de l'automne. Elles sont également capable de sauter comme d'autres larves de Cecidomyiidae en utilisant leur spatule sternale[5]. La pupaison a lieu vers le mois d'avril et les adultes qui ne vivent que quelques jours émergent vers le mois de mai.

Ennemis naturels[modifier | modifier le code]

Lorsqu'elles se trouvent dans la galle, les larves sont peu vulnérables aux prédateurs et le fait qu'elles se laissent tomber au sol en fin d'automne par des températures froides et tissent ensuite immédiatement un cocon limite vraisemblablement la prédation sur les larves[3]. Par contre, plusieurs genres de parasitoïdes de l'ordre des hyménoptères (Platygaster, Tetrasticus, Tridymus, Torymus) peuvent parasiter une grosse proportion des populations et vraisemblablement participer au contrôle naturel. Ces parasitoïdes se développent dans les larves et l'essentiel de leur développent a lieu à la fin de l'hiver[3].

Distribution[modifier | modifier le code]

Ces cécidomyies sont originaires du Canada et des États-Unis[2],[6].

En 2015 Contarina pseudotsugae sensu lato a été découverte en Belgique[7],[8] et aux Pays-Bas[9]. Elle est déjà très répandue à cette date en Belgique ce qui laisse supposer une introduction ancienne qui serait passée inaperçue[7]. Cependant la biologie de l'espèce et sa découverte indépendante dans deux pays voisins laissent supposer que les dégâts provoqués étaient jusque là négligeables et que ce n'est qu'à la faveur d'un pic important de population que des dégâts ont pu être observés. À la suite de ces découvertes, Contarina pseudotsugae a été placée en sur la liste d'alerte de l'Organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes (OEPP - EPPO)[10]. Cette liste n'implique pas de contraintes d'action contrairement aux listes de quarantaine mais vise à informer les états membres et à inciter au suivi d'espèces pouvant potentiellement avoir un impact économique. Elle a été signalée par la suite d'Allemagne[11] et de France[12].

Au Mexique la présence de Contarinia pseudotsugae sensu stricto et de Contarinia constricta a été confirmée[13]. Elles y sont considérées comme des "insectes exotiques de haut risque pour le Mexique"[13]. Contarinia constricta y est quant à elle considérée comme une espèce de quarantaine[14].

Importance en sylviculture[modifier | modifier le code]

Diagnostique[modifier | modifier le code]

On détecte la présence de ces espèces essentiellement via leurs galles[7]. Les galles sont présentes normalement uniquement sur les aiguilles de l'année et sont surtout visible d'août à décembre. La galle se présente sous la forme d'une coloration brun jaunâtre teintée plus ou moins fortement de rougeâtre à violet foncé. L'aiguille peut être très légèrement enflée et elle est parfois fortement tordue[3]. Certains champignons pathogènes peuvent cependant provoquer une modification de la coloration des aiguilles qui ressemble à ces galles (en particulier à la pointe des aiguilles)[7]. À partir de l'automne, les larves de 3e (dernier) stade peuvent assez facilement être trouvées en disséquant les aiguilles présentant des symptômes ce qui permet de poser un diagnostic certain. Entre mai et septembre les larves sont également présentes mais plus petites et plus difficile à trouver[7].

Ces symptômes sont parfois confondus avec des attaques de champignons (ou des problèmes physiologiques) provoquant un brunissement/rougissement et un dessèchement de l'extrémité des aiguilles. Les galles de Contarinia pseudotsugae s.l. ne se trouvent normalement jamais à l'extrémité des aiguilles. Certaines aiguilles peuvent cumuler des galles et des attaques fongiques comme dans la dernière photo de la galerie ci-dessous. Il est également plausible que de tels dessèchement terminaux soient provoqués par la destruction des canaux conducteurs de sève par les larves mais dans ce cas une galle doit toujours être visible à la base de l'aiguille.

Dégâts[modifier | modifier le code]

Chutes d'aiguilles de l'année provoquées par Contarinia pseudotsugae sensu lato

En Amérique du Nord, il semble que les dégâts dépendent du nombre de larves pénétrant dans chaque aiguille et donc de la taille des populations qui est extrêmement variable d'une année à l'autre pour C. pseudotsugae sensu stricto (plus stable pour les autres espèces) et de la concordance entre le débourrement des bourgeons et l'apparition des adultes[3]. Lorsque les bourgeons n'ont pas encore débourré mais que les adultes qui ne vivent que quelques jours ont déjà émergé, ils peuvent pondre sur d'autres résineux mais sans que les insectes puissent s'y développer[3].

Ces insectes peuvent rester discrets, sans provoquer de dommages, pendant de longues périodes. Les années de grosses infestations on peut cependant avoir 75-100 % des aiguilles de l'année attaquées[3].

Lorsqu'il y a plusieurs larves par aiguille, les aiguilles finissent en général par tomber ce qui peut entraîner des chutes massives d'aiguilles aux extrémités des rameaux. Plusieurs années consécutives de grosses infestations peuvent provoquer la mort des rameaux. Ce sont donc surtout les jeunes sujets qui peuvent être affaiblis étant donné que les aiguilles de l'année représentent une proportion importante de leur feuillage mais ces insectes à eux seuls ne semblent pas provoquer la mort des arbres[3].

Moyens de lutte[modifier | modifier le code]

En Amérique du Nord, des insecticides sont appliqués pour protéger les pépinières (entre autres pour la production de sapins de noël)[15] mais ceux-ci doivent impérativement être appliqués dans une fenêtre de temps très précise correspondant à l'émergence des adultes pour être efficaces et nécessitent donc un monitoring précis de ces émergences[16],[17],[18]. Une fois que les larves ont pénétré dans les aiguilles les insecticides sont inactifs. Des mesures préventives sont également appliquées en évitant de planter du douglas dans les régions les plus infestées et pendant les années où on observe des pullulations[19],[3]. Il est aussi recommandé d'éliminer les arbres les plus sévèrement atteints en début d'automne, avant que les larves ne quittent les aiguilles[18].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) S. F. Condrashoff, « Three New Species of Contarinia Rond. (Diptera: Cecidomyiidae) in Douglas-Fir Needles », The Canadian Entomologist, vol. 93,‎ , p. 123–130 (ISSN 1918-3240, DOI 10.4039/Ent93123-2, lire en ligne, consulté le )
  2. a et b (en) R. J. Gagné et M. Jaschhof, A Catalog of the Cecidomyiidae (Diptera) of the World. Digital version 2, , Systematic Entomology Laboratory, Agricultural Research Service, US Department of Agriculture US National Museum, Washington, DC, USA éd.
  3. a b c d e f g h et i S. F. Condrashoff, « Bionomics of Three Closely Related Species of Contarinia Rond. (Diptera: Cecidomyiidae) from Douglas-fir Needles », The Canadian Entomologist, vol. 94,‎ , p. 376–394 (ISSN 1918-3240, DOI 10.4039/Ent94376-4, lire en ligne, consulté le )
  4. S. F. Condrashoff, « Description and Morphology of the Immature Stages of Three Closely Related Species of Contarinia Rond. (Diptera: Cecidomyiidae) from Galls on Douglas-fir Needles », The Canadian Entomologist, vol. 93,‎ , p. 833–851 (ISSN 1918-3240, DOI 10.4039/Ent93833-10, lire en ligne, consulté le )
  5. (en) M. Mamaev et N. P. Krivosheina, The Larvae of the Gall Miges, CRC Press, , 16 p. (ISBN 978-90-6191-787-8, lire en ligne)
  6. « Contarinia pseudotsugae (CONTPS)[World distribution]| EPPO Global Database », sur gd.eppo.int (consulté le )
  7. a b c d et e « La santé des forêts en Wallonie-Contarinia pseudotsugae: un nouvel insecte détecté sur Douglas », sur owsf.environnement.wallonie.be (consulté le )
  8. « Presence of Contarinia pseudotsugae suspected in Belgium, EPPO Reporting Service no. 01 - 2016 », sur gd.eppo.int (consulté le )
  9. « Presence of Contarinia pseudotsugae suspected in the Netherlands, EPPO Reporting Service no. 01 - 2016 », sur gd.eppo.int (consulté le )
  10. « Addition of Contarinia pseudotsugae to the EPPO Alert List, EPPO Reporting Service no. 01 - 2016 », sur gd.eppo.int (consulté le )
  11. « EPPO Global Database », sur gd.eppo.int (consulté le )
  12. La Lettre du DSF - N° 50 – Décembre 2015 - http://agriculture.gouv.fr/sites/minagri/files/lettre_dsf50.pdf
  13. a et b « Insectos y arácnidos exóticos de alto riesgo para México. Comisión Nacional para el Conocimiento y Uso de la Biodiversidad. », sur www.biodiversidad.gob.mx (consulté le )
  14. (en) ext_dpla, « Pest Quarantine Information », sur pubs.extension.oregonstate.edu (consulté le )
  15. Bulaon (2010). Management Guide for Douglas-fir Needle Midges. Forest Health Protection and State Forestry Organizations.[1]
  16. O’Donnell, J., Russell, H., McCullough, D., 2012. Monitoring midge emergence for timing insecticide applications. Presented at the Proceedings of the 10th International Christmas Tree Research and Extension Conference: IUFRO Working Unit 2.02.09 - Christmas Trees. Eichgraben, Austria, 21-27 August 2011, IUFRO (International Union of Forestry Research Organizations), pp. 110–113.
  17. Simko B (1982) Douglas-fir needle midge. Determining a spray schedule through use of a midge trap. Ornamentals Northwest Archives 6(1), 8-10. [2]
  18. a et b (en) ext_dpla, « Douglas-fir Needle Midge », sur pubs.extension.oregonstate.edu (consulté le )
  19. Government of Canada, Natural Resources Canada, Canadian Forest Service, « Douglas-fir needle midges--pests of Christmas trees in British Columbia | Canadian Forest Service Publications | Natural Resources Canada », sur cfs.nrcan.gc.ca (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) S. F. Condrashoff, « Description and morphology of the immature stages of three closely related species of Contarinia Rond.(Diptera: Cecidomyiidae) from galls on Douglas-fir needles », The Canadian Entomologist, vol. 93, no 10,‎ , p. 833–851 (lire en ligne, consulté le )
  • (en) S. F. Condrashoff, « Three new species of Contarinia Rond.(Diptera: Cecidomyiidae) in Douglas-fir needles », The Canadian Entomologist, vol. 93, no 02,‎ , p. 123–130 (lire en ligne, consulté le )
  • (en) S. F. Condrashoff, « Bionomics of three closely related species of Contarinia Rond.(Diptera: Cecidomyiidae) from Douglas-fir needles », The Canadian Entomologist, vol. 94, no 04,‎ , p. 376–394 (lire en ligne, consulté le )
  • (en) R. J. Gagné et M. Jaschhof, A Catalog of the Cecidomyiidae (Diptera) of the World. Digital version 2, , Systematic Entomology Laboratory, Agricultural Research Service, US Department of Agriculture US National Museum, Washington, DC, USA éd.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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