Attaque de la mosquée de Bayonne

Attaque de la mosquée de Bayonne
Localisation Bayonne, France
Cible Mosquée de Bayonne
Coordonnées 43° 30′ 14″ nord, 1° 26′ 33″ ouest
Date
15 h 20 (UTC+1)
Type Fusillade, incendie
Armes Pistolet
Morts 0
Blessés 2
Auteurs Claude Sinké
Mouvance Extrême droite
Islamophobie
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Attaque de la mosquée de Bayonne
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Attaque de la mosquée de Bayonne

L’attaque de la mosquée de Bayonne, également appelée attentat de la mosquée de Bayonne selon les sources et les points de vue, est une attaque islamophobe d'extrême droite commise par un octogénaire le à Bayonne, dans les Pyrénées-Atlantiques. Après avoir tenté d'incendier la porte de la mosquée de Bayonne, l'assaillant blesse deux hommes par balles ; il meurt avant un éventuel procès.

Contexte[modifier | modifier le code]

Cette attaque se produit alors que la France est confrontée à de nombreux attentats depuis 2011, avec un pic en 2015-2016. Ces attentats sont, pour la plupart, commis et/ou revendiqués par le groupe djihadiste État islamique. Mais l'année 2019 connaît une montée du terrorisme d'extrême droite dans le monde[1],[2]. Les attentats de Christchurch, pour lesquels le suspect se réclame de l'extrême droite et qui font 52 morts, étaient dirigés contre deux mosquées.

En outre, la France est régulièrement confrontée au complotisme. Dans le cas présent, celui-ci concerne l'Incendie de Notre-Dame de Paris, dont les causes exactes n'ont pas pu être déterminées, mais dont toutes les pistes sérieuses (court-circuit électrique, cigarettes mal éteintes) sont accidentelles[3]. Plusieurs théories du complot existent autour de cet événement, accusant les Gilets jaunes ou le gouvernement d'avoir provoqué l'incendie[4],[5] ; mais il existe aussi plusieurs théories qui accusent des islamistes d'avoir mis le feu à la cathédrale qui sont reprises entre autres par des personnalités politiques d'extrême droite comme Jean Messiha ou Nicolas Dupont-Aignan[3],[4].

La mosquée de Bayonne a été volontairement dégradée deux fois par le passé, en 2015 et en 2017[6],[7].

Préparatifs et déroulement[modifier | modifier le code]

L'assaillant fait au moins 5 repérages sur les lieux entre le 7 et le 21 octobre d'après le bornage de son téléphone portable[8].

Le , vers 15 h 20[9], la mosquée est attaquée : un homme met en fuite un témoin éventuel en le menaçant d'un pistolet puis tente d'incendier la porte de la mosquée en y déversant de l'essence à laquelle il met le feu. Il quitte les lieux en voiture puis y revient à pied. Il tire alors sur deux hommes dont l'un essaye de fuir dans une voiture que l'assaillant tente d'incendier. Puis il retourne chez lui où il est arrêté vingt minutes plus tard. Les policiers saisissent dans sa voiture une bonbonne de gaz et un chargeur de pistolet automatique et, chez lui, des armes pour lesquelles il possédait une licence de tir sportif[10].

Victimes[modifier | modifier le code]

L'attaque fait 2 blessés : Maati Baggar, 76 ans, touché par trois balles sur le côté et le bras droit, et Amar Kariouch, blessé au cou. Après des soins intensifs, ils sont hospitalisés durant 6 mois et doivent poursuivre des heures de rééducation[8].

Enquête[modifier | modifier le code]

Le 29 octobre, le procureur national antiterroriste attend les éléments afin de préciser s’il se saisit ou non de cette affaire[11]. Le 30 octobre, le suspect est mis en examen pour, entre autres, tentatives d’assassinat aggravées et écroué alors que l'avocat des victimes demande la saisine du parquet antiterroriste et dénonce une « ineptie judiciaire »[12].

Attaque ou attentat terroriste[modifier | modifier le code]

La presse s'interroge pour savoir si on doit parler d'attaque ou d'attentat[13],[14],[15]. Le président de la République, Libération, Le Parisien et Le Monde ont évoqué une « attaque »[15] quand Marine Le Pen, Mediapart, L'Humanité et Valeurs actuelles ont utilisé le terme « attentat »[15]. L'Express explique que la presse française ne parle traditionnellement d'attentat que lorsque les autorités utilisent ce terme ou que le Parquet national antiterroriste (PNAT) est saisi, ce qui n'est pas le cas ici[15]. « L'attentat revêt une dimension politique ou idéologique, qui peut difficilement être retenue quand il s'agit de l'acte d'un déséquilibré », explique à L'Express l'avocat pénaliste Stéphane Babonneau.

De plus, le Parquet national antiterroriste ne se saisit pas du dossier parce que l'altération au moins partielle du discernement du suspect est retenue, ce qui fait que la motivation idéologique ne peut pas clairement être retenue[15].

Selon Mediapart, l'expertise ayant conclu à l'altération du discernement de l'assaillant se base sur le mobile de son acte, « venger la destruction de Notre-Dame de Paris » qu'il estime causée par des « membres de la communauté musulmane ». Mediapart remarque que bien que la théorie de l'assaillant sur l'incendie de Notre-Dame de Paris ne soit pas fondée, elle avait cependant été partagée auparavant au sein de l'extrême droite[8].

Auteur[modifier | modifier le code]

Claude Sinké
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Biographie
Naissance
Décès
Nationalité
Domicile
Activités
Autres informations
Parti politique

Claude Sinké est né en 1935 au Maroc, où il a passé sa jeunesse. Il vit ensuite à Saint-Martin-de-Seignanx. Dans les années 1965 à 1980, il est conducteur de train à la SNCF, dont il est retraité, et aurait suivi une formation militaire[16]. Il se dit sculpteur et écrivain[17]. Il est auteur d'un livre publié à compte d'auteur, La France à cœur ouvert ou Regards sur la misère humaine[10].

Lors de sa garde à vue le jour même de l'attaque, il avoue être l'auteur des faits. Âgé de 84 ans, il s'agit d'un candidat aux élections départementales de 2015 dans le canton de Seignanx sous l'étiquette du Front national. Le Rassemblement national affirme qu'il n'est plus membre de ce mouvement[18],[19].

Il est « défavorablement connu » par les habitants de son village pour ses propos extrémistes. Certains d'entre eux indiquent : « On avait même dû lui arracher le micro lors d’une cérémonie d’hommage aux victimes du Bataclan, pour éviter qu’il ne parle et ressasse ses idées extrémistes[20]. » « Il tenait des propos odieux sur les étrangers. Il se vantait même d'avoir commis des horreurs avec des enfants lorsqu'il était en Afrique du Nord. [...] C'est un raciste qui n'avait aucune honte de le revendiquer[21]. » Quelques jours avant l'attaque, il avait adressé un courrier rageur à l'ordre des avocats de Bayonne : « Ce monsieur voulait porter plainte contre le président Macron, c'était assez confus, il y avait plein de motifs », dont « non application des droits de l'homme » ou « non assistance à peuple en danger »[22]. Il est décrit comme un homme « violent et colérique ». Il avait déjà fait parler de lui en tenant des propos homophobes, xénophobes[23] et islamophobes[9].

Lors de son interrogatoire, Claude Sinké explique avoir voulu « venger la destruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris » en affirmant que l'incendie de cet édifice a été déclenché par des membres de la communauté musulmane. L'ensemble de son audition interroge sur son état de santé psychique[24]. L’expertise psychiatrique du suspect « conclut à une altération partielle de son discernement et/ou du contrôle de ses actes »[10].

Placé en détention provisoire au centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan, Claude Sinké meurt le au centre hospitalier de cette ville[25].

Réactions[modifier | modifier le code]

Le maire de Bayonne, Jean-René Etchegaray, se rend devant la mosquée, et y déclare que « Bayonne est une ville de tolérance », qu'il est « sous le choc », et qu'il estime qu'il s'agit « d'un attentat »[26].

Le président de la République Emmanuel Macron déclare : « Je condamne avec fermeté l’attaque odieuse perpétrée devant la mosquée de Bayonne. J'adresse mes pensées aux victimes. La République ne tolérera jamais la haine. Tout sera mis en œuvre pour punir les auteurs et protéger nos compatriotes de confession musulmane. Je m’y engage. ». Le ministre de l'intérieur Christophe Castaner et la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye apportent leur « soutien à la communauté musulmane » sur Twitter[26].

Des élus, comme Samia Ghali[27] ou Aurélien Taché[28] demandent, compte tenu de l’attaque, que la droite renonce à proposer au Sénat, son projet de loi, porté par la sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio sur l'interdiction du port du voile des accompagnatrices pendant les sorties scolaires, prévu le 29 octobre. Finalement, ce projet de loi est bien débattu et le Sénat l'approuve à 163 voix contre 134[27].

Le lendemain de l'attaque, des responsables du Rassemblement national se désolidarisent de Claude Sinké. Leur argumentation est cependant non homogène[9],[29]. Marine Le Pen qualifie l'attaque d'attentat[26].

Le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, twitte : « À Bayonne, le harcèlement contre les musulmans a produit son effet. Un fou a tiré devant une mosquée. Maintenant ça suffit ! La responsabilité de chacun est engagée. Les paroles publiques doivent cesser d'encourager la haine ! »[26]

Abdallah Zekri, président de l'Observatoire national contre l'islamophobie et délégué général du Conseil français du culte musulman (CFCM), réagit auprès de l'Agence France-Presse : « Avec le climat actuel de stigmatisation de l'islam et des musulmans, il ne faut pas s'étonner que de tels actes puissent arriver »[26].

Kamel Kabtane, recteur de la mosquée de Lyon, « demande au président de la République de prendre la communauté musulmane sous sa protection »[30] et décrit « de l'émotion, de l'inquiétude et de la colère [de la part de la communauté musulmane] contre tous ceux qui, depuis quelque temps, ont jeté de l'huile sur le feu »[30] et particulièrement contre Éric Zemmour[30], et qualifie l'acte d'attentat[30].

Sur les réseaux sociaux, un certain nombre de commentaires saluent l'attentat. D'après le journal Libération, « un examen des profils visibles sur les captures d’écran permet de déduire qu’il s’agit de véritables comptes actifs. La quasi-totalité de la trentaine de comptes étudiés partage des contenus ouvertement islamophobes, racistes et sexistes. La plupart «aiment» la page de Robert Ménard, le contraignant à supprimer sa publication afin de stopper la propagation de messages haineux. Un autre se revendique même ouvertement fasciste[31]. »

Dans le journal Libération un tweet informe que « plus de cinquante personnalités appellent à manifester le 10 novembre à Paris contre la stigmatisation des musulmans de France »[32].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Les crimes haineux en hausse constante chaque année aux États-Unis », sur france24.com, (consulté le )
  2. « Attentat de Halle : "En Allemagne, il y a une forme d'antisémitisme qui était sous-estimée" », sur francetvinfo.fr, (consulté le )
  3. a et b « Attaque de la mosquée de Bayonne : comment la thèse (erronée) de l'incendie criminel de Notre-Dame s'est propagée », sur francetvinfo.fr, (consulté le )
  4. a et b Francis Epelboin, « Pourquoi les théories du complot ont-elles flambé après l'incendie de Notre-Dame ? », sur francetvinfo.fr, (consulté le )
  5. Julien Licourt, « Les théories du complot fleurissent autour de l’incendie de Notre-Dame », sur lefigaro.fr, Le Figaro, (consulté le )
  6. C. A., « L'entrée de la mosquée de Bayonne taggée ce matin », sur France 3 Nouvelle-Aquitaine, (consulté le ).
  7. « Bayonne : la mosquée victime de dégradations », sur Sud Ouest, (consulté le ).
  8. a b et c David Perrotin, « Mosquée de Bayonne : l’attentat que les autorités n’ont pas voulu v... » Accès payant, sur Mediapart, (consulté le )
  9. a b et c Maud Vergnol, « Islamophobie. La responsabilité des pousse-au-crime dans l’attentat de Bayonne », sur L'Humanité, (consulté le ).
  10. a b et c Samuel Laurent et Michel Garicoïx, « Attaque de la mosquée de Bayonne : le suspect mis en examen et placé en détention provisoire », sur Le Monde,
  11. « Attaque de la mosquée de Bayonne : Claude Sinké voulait « venger la destruction de Notre-Dame de Paris » », sur La République des Pyrénées (consulté le )
  12. « Attaque de la mosquée de Bayonne : l'avocat des victimes demande la saisine du parquet antiterroriste et dénonce une "ineptie judiciaire". », sur Franceinfo,
  13. Jean Chichizola, « Mosquée de Bayonne: attaque ou attentat, comment arbitrer? », sur Le Figaro,
  14. Fabien Leboucq, « Pourquoi parle-t-on d’«attaque» de la mosquée de Bayonne et pas d’« attentat » ? », sur Libération,
  15. a b c d et e Paul Véronique, « Mosquée de Bayonne : pourquoi parle-t-on d'attaque et non d'attentat? », sur L'Express,
  16. « Attaque à la mosquée de Bayonne : qui est Claude Sinké, l'auteur présumé des coups de feu qui ont fait deux blessés ? », sur Franceinfo,
  17. « De la sculpture à l’écriture », sur SudOuest.fr (consulté le )
  18. L'Obs avec AFP, « Qui est Claude Sinké, le tireur de la mosquée de Bayonne ? », sur L'Obs,
  19. « Élections départementales de 2015 : Résultats du canton de Seignanx (Landes) », Ministère de l'Intérieur,
  20. « Claude Sinké, le tireur de Bayonne, "connu" pour ses propos "extrémistes" », sur La République des Pyrénées (consulté le )
  21. Denis Granjou, « Un voisin du tireur de la mosquée de Bayonne : « Il revendiquait son racisme » », sur Le Parisienconsulté le=30 octobre 2019, .
  22. Le Figaro avec AFP, « Qui est Claude Sinké, l'octogénaire qui a attaqué la mosquée de Bayonne ? », sur Le Figaro.fr, (consulté le )
  23. « Qui est Claude Sinké, le tireur de la mosquée de Bayonne », sur Le Huffington Post, (consulté le )
  24. « Attaque de la mosquée de Bayonne: "Le suspect explique son geste par la volonté de venger l'incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris" (Procureur) », sur www.jeanmarcmorandini.com (consulté le )
  25. « L'octogénaire accusé de l'attaque de la mosquée de Bayonne est mort pendant sa détention », France Info, 27 février 2020.
  26. a b c d et e « Ce que l'on sait de l'attaque qui a fait deux blessés devant la mosquée de Bayonne », sur francetvinfo.fr, (consulté le )
  27. a et b « Scrutin n° 19 - séance du 29 octobre 2019 », sur www.senat.fr (consulté le )
  28. « RELIGION. Port du voile lors des sorties scolaires : le Sénat vote l'interdiction », sur www.leprogres.fr (consulté le )
  29. « Bayonne : au RN, trois versions pour un tireur », sur Libération.fr, (consulté le )
  30. a b c et d Kamel Kabtane, « Attaque devant la mosquée de Bayonne : le recteur de la mosquée de Lyon "demande au président de la République de prendre la communauté musulmane sous sa protection" », sur francetvinfo.fr, (consulté le )
  31. « «Bravo Papy», «ça fait plaisir» : des internautes se sont-ils réjoui de l'attaque de Bayonne sur les comptes du RN et de Robert Ménard ? », sur Libération.fr, (consulté le )
  32. Christian Taveira et Jean Chamoulaud, « Pourquoi la manifestation contre l'islamophobie fait-elle débat », sur CNews,

Articles connexes[modifier | modifier le code]