Albert Triboulet

Albert Triboulet de son vrai nom Albert Marceau Triboulet, né le 29 octobre 1901 à Briançon dans les Hautes-Alpes est un professeur d’italien et de lettres au collège classique de Romans-sur-Isère dans la Drôme. Il deviendra par la suite résistant français sous le nom du lieutenant Marc. Issue d’une famille de classe moyenne et progressiste de gauche, patriote très engagé dans son pays, refusant l'occupation de la France par l'Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale, il s’engage dans la résistance civile puis armée. Capturé par les Nazis lors d’une embuscade, en descendant du maquis du Vercors, il sera fusillé entre fin Juillet et début Août 1944 dans la commune de Saint-Nazaire-en-Royans. Une cité scolaire ainsi qu'une rue portent son nom à Romans-sur-Isère.

Biographie[modifier | modifier le code]

Albert Marceau Triboulet est né le 29 octobre 1901 à Briançon de l’union de Gilbert Triboulet, gendarme et de Marie Albert institutrice. Il est l'ainé de la fratrie, Roger est né en 1903 Gilberte en 1907, Isabelle en 1905 et Marc en 1910, ces deux derniers mourront durant leur enfance. Son père a participé à la Grande Guerre et a été gazé en 1915. Sa mère est nommée officier d’académie en 1924 après avoir reçu des honneurs locaux pour avoir été une institutrice dévouée.

Equipe de football d'Albert Triboulet dans un lycée

Il est issu d’un milieu familial progressiste et orienté à gauche. Son père était en effet trésorier de la section SFIO de Briançon en 1929 mais aussi Franc Maçon. Sa mère était membre du bureau de bienfaisance de Briançon. La famille triboulet ne voulait pas se réduire à son groupe social. La pratique du violon et de la flûte illustre cette volonté émancipatrice car la pratique de la musique était réservée aux classes aisées. Grâce à des photographies retrouvées, nous savons qu’il a également pratiqué le football et la randonnée dans les montagnes.

Il a reçu une bourse qui lui a permis d’intégrer le collège de Briançon[1], un établissement secondaire. Il possédait donc un très bon niveau scolaire. Il a obtenu le baccalauréat de latin, langue vivante, philosophie en juillet 1920[2]. Il obtient ensuite une licence de lettres d’italien à l’université de Grenoble où il va devenir Maître d'internat en 1924 au lycée Champollion. Il quittera, par la suite, ce métier pour arriver à Romans-sur-Isère dans un contexte de tensions politiques et sociales à l'aube des années 1930. Albert se mariera le 14 avril 1936, avec Sarah, Élise Boucher à Grenoble et ils donneront naissance à Lise Marie Triboulet en 1942.

Albert avec sa fille Lise

Il sera ensuite mobilisé dans le troisième bataillon du 440e régiment de pionnier durant la seconde guerre mondiale, et nommé Sergent-chef en novembre 1939. Il sera rendu à la vie civile en juillet 1940. Par la suite, il entamera son parcours de résistant en y entremêlant sa carrière d’enseignant. À la fin du mois de juillet, au plus fort de la bataille du Vercors, il sera fait prisonnier au barrage de Saint-Just-de-Claix. Albert Triboulet sera fusillé fin juillet début aout 1944 avec neuf autres maquisards, dans le parc du château de Saint-Nazaire-en-Royans. Il sera considéré comme résistant après sa mort et sa fille deviendra pupille de la nation en 1946. Des hommages lui seront rendus et le collège classique de Romans-sur-Isère, où il était professeur prendra son nom : Le Collège Albert TRIBOULET.


La citation suivante lui a valu l'attribution à titre posthume de la Légion d'honneur et de la croix de guerre :

« Le lieutenant Triboulet a incarné l'esprit de résistance à Romans depuis 1942. Officier adjoint au commandant de la Compagnie, chargé par la mission interalliée d'une mission délicate dans le Briançonnais, s'acquitta de cette tâche brillamment. Tombé à l'ennemi le . »

[1] AC Romans 169 S

[2]Julie Le Gac, Anne-Laure Ollivier et Raphaël Spina, La France en chiffres : de 1870 à nos jours, Paris, Perrin, 2015, p. 261[1].

Carrière professionnelle[modifier | modifier le code]

           Albert Triboulet obtient son baccalauréat en latin, langues vivantes et philosophie en 1920[3], un diplôme très prestigieux à cette époque puisque seulement 1,5 % d’une classe d’âge y parvient[4]

Le service militaire de Triboulet en Tunisie

        Son frère et sa sœur vont également réussir leurs examens du baccalauréat. Cela leur est possible grâce au soutien financier de leurs parents qui vont accorder une grande importance à leur scolarité. Après avoir réussi l'examen, le jeune bachelier ne mettra pas longtemps avant de décrocher son premier emploi en tant que répétiteur au collège de Briançon où il a été élève[5]. À ce titre, Albert triboulet encadre les heures d’études données à la fin des journées de cours. En 1922, il refuse l’opportunité de partir dans la finance [6]. Il s'inscrit en licence de lettres et d'italien à l'université de Grenoble. À la rentrée 1924, il quitte Briançon pour Grenoble où il devient maître d’internat au lycée Champollion[7]. Il obtiendra, en 1924-1925[8], trois des quatre certificats nécessaires pour être licencié en lettres : les diplômes de philologie, d'études pratiques et de littérature étrangère. Avant le début de son service militaire en 1926, Albert triboulet échoue par deux fois à décrocher son certificat manquant, celui des études littéraires classiques version latine. Après son retour de Tunisie, où il a effectué son service militaire, il sera recruté pour enseigner l’italien au collège de Briançon de part ses certificats dans cette langue[9].

        Durant son bref retour au collège de Briançon en tant que professeur d’italien, il fait partie de l’équipe sportive des enseignants et anime la section de football de l’étoile sportive Briançonnaise[10]. Sa passion et son dévouement envers les clubs sportifs locaux lui donneront l'opportunité d'écrire pour un journal hebdomadaire local, Les Alpes sportives[11].

Le professeur Triboulet en classe

        Une fois sa licence de lettres, enfin, obtenue, il est engagé au collège classique de Romans-Sur-Isère à la rentrée 1933. Il y enseignera l’Italien, le latin et la littérature. Son frère Roger et sa sœur Gilberte, quant à eux, sont professeurs de Mathématiques. Le collège de Romans est, au même titre que celui de Briançon, un collège classique où l'on enseigne le latin. Être scolarisé dans cet établissement du secondaire est payant, par conséquent la grande majorité des élèves sont issus de la bourgeoisie.

        Lors de l’arrivée de Monsieur Triboulet, les tensions politiques et sociales courent les rues de la ville. Les années trente ont été caractérisées par des conflits entre le parti conservateur et le parti socialiste dans la ville de Romans. Ces tensions remontent aux couloirs du collège classique de Romans où Albert Triboulet enseigne. Il est désigné pour tenir un discours pour la distribution des prix en 1934, dans lequel il choisit de faire l’éloge de la camaraderie.

        En juillet 1936 Albert Triboulet, est membre de la loge « L’avenir », dépendante de la grande loge de France[12].Il est aussi membre de la section de la SFIO de Romans et de la Libre Pensée[13].

Albert Triboulet en 1940

        Au début de la guerre, Albert Triboulet est mobilisé dans le 3e bataillon du 440e régiment de pionniers. Il va assurer la rentrée scolaire de 1940. La ville de Romans est atteinte par les Allemands au même moment, le collège n’échappe pas aux difficultés qui frappent la France. Les cours reprennent en octobre dans les locaux habituels, qui servaient d’hôpital complémentaire à l’armée. Le manque d’enseignant est un problème aigu[14]. Tout au long de la guerre, il est difficile d’encadrer et de ravitailler l’internat.  Les Allemands reprennent le contrôle du collège fin 1943 début 1944. Son fonctionnement est encore plus précaire. Dans l’urgence, le principal doit trouver de nouveaux locaux, mais la mairie est réticente à l’idée de lui fournir un internat provisoire.  Durant la guerre, Albert Triboulet donne des cours clandestins tôt le matin et tard le soir à plus d’une centaine d‘élèves au Château de Sallmard à Peyrins.

Actes de résistance[modifier | modifier le code]

Ses motivations idéalistes et humanistes le poussent naturellement sur la voie de la Résistance, ainsi il s’engage auprès des réseaux socialistes d’avant guerre aux alentours de 1940[15], date approximative, car très peu d’informations sont disponibles. L’une des premières traces de sa résistance est sa participation à la manifestation contre le changement du nom de la place Jean-Jaurés en Maréchal Pétain. Albert Triboulet va ensuite devenir un des principaux administrateurs de la résistance civile à Romans.

La première préoccupation du couple Triboulet va être de réunir et mettre en relation les résistants à Romans et Bourg de péage, au moyen d’un réseau de communication dont l’objectif premier est de faire de la propagande. Albert fait imprimer puis distribuer des tracts et des journaux clandestins, liste les actes des collaborateurs et attend les ordres. Il explique à son collègue, Vincent Baume[16], le fonctionnement du mode de recrutement. Bientôt le réseau s’étend et devient solide, Triboulet en organise le fonctionnement et distribue les rôles. Avec l'aide de sa femme Sarah, ils organisent les réunions des résistants dans leur foyer, produisent des tracts et cachent chez eux des juifs, des clandestins et des recherchés par la police et la milice.

Sous la supervision de Germaine Chesneau, il donne clandestinement des cours à deux centaines d’enfants, dont une partie est juive, au château de Peyrins (nommé Château de Sallmard). Ce château servait de maison de repos pour les mineurs après une hospitalisation ou de la rééducation. La propriétaire, Germaine Chesneau, décide de cacher elle-même des enfants juifs de multiples nationalités. Elle contacte par la suite Albert Triboulet pour que ceux-ci ait accès à une éducation et puisse parler avec les bases du français. Là bas il dispense des cours de français et d'italien.

Congé accordé à Albert Triboulet en juin 1944

L’ordre de montée dans le maquis du 9 juin 1944 réunis à Bourg de péage de nombreux jeunes hommes, dont Albert Triboulet. Leur objectif est de stopper le regroupement des Allemands en Normandie. Pour cela, ils constitueront la compagnie Abel. Le réseau monté par Albert et Sarah en pleine clandestinité s’avère d’une efficacité redoutable pour regrouper rapidement les combattants volontaires. Les ordres partent de chez eux, et arrivent à se répandre rapidement. La montée est dangereuse mais réussie grâce à l’intelligence du chef Abel et la «débrouillardise» de la compagnie. Albert jouera un rôle essentiel dans la troupe[17]. En effet, il fait partie du groupe des éclaireurs précédant la compagnie. Pour couvrir ses traces, il se fait accorder un congé de santé jusqu’au 16 juin au collège. La situation des maquis en France devient rapidement précaire, faute d’armes face a l’avancée des allemands. Il prend sa place aux côtés du capitaine Abel comme «administrateur» , un intendant logistique. A partir de Juillet, on confie à Triboulet la mission de se rendre en territoire ennemi, à Gap, pour y délivrer des informations importantes. Lui et l’inspecteur de police Frandon, qui l’accompagnait, éviteront de justesse la mort lors d’un contrôle de l’armée allemande, sur un barrage à Gap . Soixante-dix hommes de la compagnie Abel se retrouvent dispersés suite à la prise du Vercors par les Allemands et se réfugient dans la forêt des Coulmes avec le capitaine Crouau. (certains hommes s’échappent par leurs propres moyens comme Albert Triboulet). Le registre matricule d’Albert Triboulet mentionne son arrestation à la Balme de Rencurel (Lieu basé de la compagnie Abel). Mais au contraire, l’article du Patriote romanais et peageois mentionne qu'Albert Triboulet « tomba dans la gueule du loup » en essayant de franchir le barrage. Prisonnier, Albert Triboulet est amené à Saint-Nazaire-en-Royans où se situent des unités allemandes qui verrouillent les sorties du Vercors.

Carte de résistant d'Albert Triboulet

Il y restera quelques jours, enfermé dans l’école communale avec une dizaines de personnes. Nous ignorons les raisons qui ont conduit à son exécution : dénonciation ? Assassinat d'un otage, d'un résistant ?


La résistance de Triboulet fut à la fois armée dans le Vercors et principalement civile dans les autres actes de résistance qu’il a commis, de la participation à la manifestation contre le changement de nom de la place Jean-Jaurès pour Maréchal Pétain à l’enseignement à des enfants Juifs dans le Château de Sallmard, il reste aujourd’hui connu principalement pour ses actes de résistance contre le régime autoritaire de Vichy et l'Allemagne nazie.

Source[modifier | modifier le code]

  • La Libération de nos villes, Romans-sur-Isère, Le Patriote romanais et péageois, , 159 p., « Martyrologe de la Résistance » :

    « Son cœur saignait d'avance de voir ce magnifique Vercors souillé par les soudards d'Hitler. »

    Biographie d'Albert Triboulet de Matthieu Tracol historien
  • Photo Triboulet: wikimedia
  • [1] AC Romans 169 S [2]Julie Le Gac, Anne-Laure Ollivier et Raphaël Spina, La France en chiffres : de 1870 à nos jours, Paris, Perrin, 2015, p. 261. [3] AC Romans 169 S 1, arrêté rectoral de nomination comme répétiteur stagiaire, 12 octobre 1920 ; arrêté de titularisation, 16 décembre 1921. [4] Le Petit Briançonnais, 2 juillet 1921. [5] AC Romans 169 S1, arrêté rectoral, 4 octobre 1924. [6] AD 38 20 T 913, dossier universitaire d’Albert Triboulet. [7] AC Romans 169 S 1, arrêté rectoral du 26 novembre 1928. [8] Le Petit Briançonnais, 23 mars 1929. [9] AC Romans 169 S 1, carte de presse, 19 juin 1924. [10] AC Romans-sur-Isère, 169 S 2, Livret d’instruction pour le Premier Degré Symbolique Écossais. [11] Nous n’en avons pas trouvé trace dans les archives, mais des délégations de la SFIO, de la Libre pensée et de la Loge « L’Humanité de la Drôme » lui rendent hommage après la guerre. Le Dauphiné Libéré, 8 juin 1959. [12] AC Romans 1 W 158, vœu émis par l’Assemblée générale de l’association des parents d’élèves, 8 février 1943. La classe de première a eu trois enseignants de lettres différents depuis le début de l’année, et celle de quatrième cinq. [13]  Les cours ont lieu dans une aile du collège moderne de jeunes filles de Romans pour les grands, et dans des écoles maternelles pour les plus petits. AC Romans 1 W 158, courrier du principal à l’administrateur provisoire de Romans, 8 septembre 1944. [14] Le maire Barlatier évoque pour justifier son refus les protestations de la propriétaire de l’usine désaffectée qu’il a d’abord fait réquisitionner pour remplacer le dortoir. Il rejette également la fusion des internats de l’École Pratique et du Collège classique : « le mélange des jeunes gens d’âge différents et venus de milieux différents s’est traduit par un relâchement grave de la discipline ». AC Romans 1 W 158, courrier du maire Barlatier au préfet de la Drôme, 9 mars 1944.[15] Informations tirées de son registre matricule. AD 05, 1 R 1089 https://archives.hautes-alpes.fr/ark:/23599/vta4667b31e9b2d11bf/daogrp/0/562.
  • [16] https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/media/FRAN_IR_053870/cu00dirqlce-145023myuao49/FRAN_0086_043035_L
  • [17] http://www.11eme-cuirassiers-vercors.com/pionniers.php?sp=3

Références[modifier | modifier le code]

  1. Edward Ousselin, « La France en chiffres: de 1870 à nos jours », French Studies, vol. 70, no 2,‎ , p. 298.1–298 (ISSN 0016-1128 et 1468-2931, DOI 10.1093/fs/knw039, lire en ligne, consulté le )

Liens externes[modifier | modifier le code]

Portrait Albert Triboulet