Aizik Feder

Aizik Feder
Adolphe Feder, Nature morte, coll. part.
Naissance
Décès
Nationalité
Activité
Formation
École d'art Grekov d'Odessa (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Lieu de travail

Aizik Feder, dit Adolphe Feder, né à Odessa, en Ukraine, alors dans l'Empire russe le , et mort à Auschwitz le , est un peintre ukrainien.

Biographie[modifier | modifier le code]

Adolphe Feder, Au bon vin de France, coll.part.
Adolphe Feder, Portrait de femme, camp de Drancy.

Après avoir participé au mouvement révolutionnaire du Bund, Adolphe Feder, fils de commerçants, part à Berlin en 1906, puis à Genève où il fréquente l'Académie des beaux-arts. Il rejoint Paris en 1908, étudie à l'Académie Julian et dans l'atelier d'Henri Matisse dont il devient l'ami. C'est précisément sous l'influence de Matisse que ses premières toiles, exposées au Salon d'automne à partir de 1912, « un peu anecdotiques mais très savoureuses dans leur lyrisme souple et leur vigueur chromatique, sont d'obédience fauve dans une construction cézannienne, mais sans contrastes violents et tracées d'une touche sèche et maigre »[1].

Membre de la Société des artistes russes avec Michel Larionov et Ossip Zadkine, proche d'Othon Friesz, Amedeo Modigliani et Jacques Lipchitz avec qui il fréquente La Rotonde, il est également collectionneur d'arts premiers et d'art naïf[2]. Il passe l'été 1921 dans le Finistère à Doëlan, non loin de PoulduGauguin avait peint. En 1924, il participe à un voyage en Palestine organisé par l'éditeur A. Kogan. Il voyage aussi en Algérie. C'est à la suite de ces deux derniers voyages, observe Gérald Schurr, que « sa palette se fait plus subtile, ses enchaînements de formes plus élaborés, et qu'éclate son lyrisme latent »[1]. En 1931, il décore les pavillons de Madagascar et de la Palestine lors de l'Exposition coloniale internationale.

Ses thèmes en peinture, restitue Maximilien Gauthier en 1934, sont « les ouvriers, les buveurs de nos faubourgs, les paysans, les pêcheurs de Bretagne, Juives ou Arabes d'Algérie, de Tunisie, de Palestine, des paysages d'Île-de-France, des fleurs, des natures mortes »[3]. Il collabore à des journaux comme Le Monde et La Presse, ainsi qu'à une revue en langue russe, Oudar. Il illustre des livres de Joseph Kessel, d'Arthur Rimbaud[4].

En 1942, il ne tente pas de fuir la zone occupée et demeure à Paris où il pense être en sécurité du fait de son statut de Français par naturalisation : « parmi les peintres juifs, bon nombre sont en 1942 totalement inconscients du danger qui les guette »[5]. Arrêté avec son épouse Sima le , il est enfermé quatre mois durant à la prison du Cherche-Midi, puis transféré au camp de Drancy d'où il est déporté le par le convoi no 48 pour Auschwitz.

Rescapée avec une part des œuvres peintes par son mari au camp de Drancy, Sima Feder a fait don d'une part de ceux-ci au Ghetto Fighters' House Museum[6].

De remarquables portraits d'Aizik Feder nous conservent son image, tel celui peint par Philippe Hosiasson que conserve à Paris le Musée d'Art et d'Histoire du judaïsme[7], ou cet autre, photographie d'Albert Harlingue qui, prise dans l'intérieur de l'artiste, restitue en lui le collectionneur d'arts premiers[8],[9].

Ouvrages illustrés[modifier | modifier le code]

  • Suite de 46 aquarelles pour illustrer les œuvres d'Arthur Rimbaud, 350 exemplaires numérotés, René Kieffer, Paris, 1922.
  • Pierre Bonardi, L'invitation au Voyage. Le Retour de Jerusalem, 73 dessins d'Aizik Feder, 230 exemplaires numéotés, André Delpeuch, Paris, 1927.
  • Joseph Kessel, Terre d'amour, Éditions Mornay, Paris, 1927.
  • Alphonse Daudet, La Petite Paroisse, Paris, Librairie de France, Paris, 1930.
  • Jérôme et Jean Tharaud, L'Ombre de la croix, frontispice et 28 illustrations d'Adolphe Feder, 660 exemplaires numérotés, collection « Les beaux livres », Éditions Mornay, Paris, 1932.

Expositions[modifier | modifier le code]

Expositions personnelles[modifier | modifier le code]

  • Galerie Les Feuillets d'art, Paris, 1920.
  • Galerie Marsant, Paris, 1920.
  • Galerie La Licorne, Paris, 1922.
  • Galerie Barbazanges, Paris, 1923.
  • Galerie Dominique, Paris, 1923.
  • Galerie Druet, Paris, 1925[10], 1928[11].
  • Galerie Quatre chemins, Paris, 1926.
  • Galerie Drouant, Paris, 1928.
  • Galerie Marcel Bernheim, Paris, 1928.
  • Galerie Armand Drouant, Paris, 1930[12],[13].

Expositions collectives[modifier | modifier le code]

Réception critique[modifier | modifier le code]

  • « Feder joint à des dons de coloriste subtil un sens de la forme d'u,n caractère nettement structural. Ses figures de Bretons massifs aux contours aigus suivent les lignes maîtresses des sites maritimes, les complètent et s'incorporent aux paysages dont ils semblent faire partie intégrante. Porté jadis vers le style monumental, Feder se contentait de constructions rythmiques. Mais, ayant exploré depuis les ressources de la peinture, il cherche avec une énergie farouche le moyen d'intensifier son langage plastique. Le sort l'ayant gratifié d'un regard pénétrant et subtil, il discerne les multiples variations que subit la couleur et les exploite non dans le but de rendre plus véridique l'éphémère aspect d'un ciel ou d'un coin de terre, mais afin d'animer les surfaces de ses tableaux. Ses rapports aux tons sont d'une rare qualité. » - Waldemar-George[20]
  • « Il a produit une œuvre qui suit la tradition française et l'exalte avec beaucoup de distinction. » - Maurice Raynal[21]
  • « Feder est un de ces artistes qui semblent s'être donné la tâche de rassurer les esprits chagrins prompts à proclamer que l'on ne sait plus peindre aujourd'hui... Ce qui frappe d'abord dans un ensemble de Feder, comme celui qui vient d'être exposé à la Galerie Armand Drouant, c'est la saveur de la matière due au moins autant à la connaissance du métier qu'à ses dons naturels de peintre. Sans doute, s'il n'était peintre avant tout, amoureux de la couleur, ses natures mortes n'auraient pas cet éclat plantureux, ni ses figures cette sobre et chaude harmonie, mais une sûre technique lui a permis de tirer de ces mérites le maximum. Elle étend du reste ses heureux effets au dessin qu'elle affermit, qu'elle mène à ces rythmes solidement établis. Il y a du classique chez Feder, ce qui ne l'empêche pas de donner à ses figures un caractère aigu, quasi romantique. » - Revue Art & Décoration[12]
  • « Dans des harmonies d'une sonorité amortie, Feder retrace des paysages, des natures mortes, des scènes d'Orient. L'Orient qu'il nous montre, parce qu'il n'est pas bariolé, semble conforme à la réalité : un Orient poussiéreux et miteux, dépouillé de l'éclat dont le revêt le goût de l'exotique. » - François Fosca[13]
  • « Les tons chatoyants conviennent à sa palette d'orientaliste moderne. » - Muriel[22]
  • « L'esthétique cubiste n'est pas étrangère aux paysages et aux portraits de ce Russe naturalisé Français, toujours attaché, dans ses œuvres parisiennes, à la polychromie vive et fraîche de la peinture slave. » - Gérald Schurr[23]
  • « Ses œuvres reflètent une certaine influence formelle du cubisme » - Dictionnaire Bénézit[24].
  • « Adepte d'une esthétique mêlant des réminiscences assagies du cubisme à un goût pour la couleur, il peint dans le cadre des genres traditionnels, portrait, paysage, scènes de genre. Il parcourt la France, de la Bretagne au Pays basque, à la Provence, au Sénonais, mais aussi les colonies, à la recherche de paysages et de scènes familières... On doit rapprocher le travail artistique de Feder en Palestine de celui qu'il effectue en Afrique du Nord : il s'inscrit même dans une tradition de l'aquarelle qui a reçu sa consécration avec les fameux croquis qu'Eugène Delacroix ramène de son voyage au Maroc en 1832 et perdure cent ans après, Matisse offrant une étape majeure dans ce processus. » - Dominique Jarassé[10]

Collections publiques[modifier | modifier le code]

Ghetto Fighters' House Museum, Galilée

France[modifier | modifier le code]

  • Musée national d'art moderne, Paris :
    • Bethléemitaine, huile sur toile, 74,5x57cm, avant 1925.
    • Portrait de Madame E. Welter, huile sur toile, 100x73cm, avant 1927.
  • Musée Sahut, Volvic
    • Portrait anonyme, huile sur toile

Israël[modifier | modifier le code]

Suisse[modifier | modifier le code]

Collections privées[modifier | modifier le code]

  • Collection Jonas Netter, Portrait de femme et Femme au vase de fleurs, huiles sur toiles, 1915[17].

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c Gérald Schurr, Les petits maîtres de la peinture, valeur de demain, les Éditions de l'Amateur, 1976, vol.3, page 155.
  2. Nadine Nieszawer, L'École de Paris : Aizik Feder
  3. Maximilien Gauthier, « Adolphe Feder », L'Art vivant, no 188, septembre 1934, page 381.
  4. Peintres russes en Bretagne, ouvrage collectif (R. N Antipova, Jean-Claude Marcadé, Dimitri Vicheney, Cyrille Makhroff, C. Boncenne, V. Brault, Ph. Le Sturm, T. Mojenok, I. Obuchova-Zielinska, M. Vivier-Branthomme), Musée départemental breton de Quimper / Éditions Palantines, 2006, p. 58 à p. 59 (ISBN 2-911434-56-0)
  5. Limore Yagil, Au nom de l'art, 1933-1945 - Exils, solidarités et engagements, Fayard, 2015.
  6. Phina Rosenberg, « Aizik-Adolphe Feder », Learning about Holocaust Art
  7. Musée d'Art et d'Histoire du judaïsme, "Portrait d'Adolphe Feder" dans les collections
  8. Sous la direction de Savine du Crest, « Obsession - Le photographe Albert Harlingue », dans ouvrage collectif Si loin, si proche - Objets d'ailleurs dans les i,ntérieurs européens, Gangemi Editore International Publishers
  9. Fonds de photographies Roger-Viollet, dont Adolphe Feder dans son intérieur
  10. a b et c Dominique Jarassé, « Visions françaises de la Palestine de l'entre-deux-guerres - Feder et l'orientalisme juif français », dans ouvrage collectif sous la direction de Dominique Timbur et Ran Aaronsohn, De Balfour à Ben Gourion - Les puissances européennes et la Palestine, CNRS Éditions, 2008.
  11. a b et c Sous la direction de Nadine Nieszawer, Artistes juifs de l'École de Paris, 1905-1939, Somogy éditions d'art, 2015
  12. a et b « Chronique - Feder », Art & Décoration, avril 1930, tome LXVII, page III.
  13. a et b François Fosca, « Chroniques - Feder, Galerie Armand Drouant », L'Amour de l'art, n°5, mai 1930, p. 235.
  14. American ARTnews, New York, vol.XX, n°39, 19 août 1922.
  15. E. Tériade, « Propos sur le Salon des Tuileries », Cahiers d'art, n°3, mars 1926, page 54.
  16. « La Bretagne vue par les peintres russes », Le Télégramme, 18 juin 2006
  17. a et b « La collection Jonas Netter : Modigliani, Soutine et l'aventure de Montparnasse », Tinou Évasion, 29 juin 2012
  18. Monica Larivière, « Autour de Modigliani, les beaux et les damnés », Le Petit journal, 27 février 2013
  19. Galerie Les Montparnos, Les peintres de l'Ècole de Paris, présentation de l'exposition, 2019
  20. Waldemar-George, « Exposition Feder », L'Amour de l'art, n°1, janvier 1922, p. 51.
  21. Maurice Raynal, Adolphe Feder, Valori Plastici, 1925.
  22. Muriel, « Le Salon des Tuileries », Archives israélites, n°30, 24 juillet 1930, page 119.
  23. Gérald Schurr, Le Guidargus de la peinture, les Éditions de l'Amateur, 1996, page 304.
  24. Dictionnaire Bénézit, Gründ, 1999, vol.5, page 348.
  25. Notice sur le site du Hecht Museum.
  26. Meredith Scott, « Adolphe Feder at the Ghetto Fighters' House Museum », The Ghez Collection, 14 janvier 2017
  27. Oscar Ghez, « Les vingt-cinq ans du Petit Palais », Shalom Magazine, 1993

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Maurice Raynal, Adolphe Feder, Valori Plastici, Rome, 1925.
  • Raymond Régamey, « Le peintre Feder », La Renaissance, n°1, , p. 36.
  • Gustave Kahn, Adolphe Feder, collection « Monographies d'artistes juifs », Éditions du Triangle, Paris, 1929.
  • Simon Lissim, « Adolphe Feder », Mobilier et décoration, , pp. 163-165.
  • Maximilien Gauthier, « Adolphe Feder », L'Art vivant, n°188, .
  • Hersch Fenster, Nos artistes martyrs, autoédition, 1951, pages 185-189.
  • Jean-Paul Crespelle, Montparnasse vivant, Librairie Hachette, 1962.
  • Gérald Schurr, Les petits maîtres de la peinture, valeur de demain, Les Éditions de l'Amateur, vol.3, 1976.
  • Gérald Schurr, Le Guidargus de la peinture, Les Éditions de l'Amateur, 1996.
  • Emmanuel Bénézit, Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, vol.5, Gründ, 1999.
  • Marcus Osterwalder (dir.), Dictionnaire des illustrateurs, 1905-1965, Éditions Ides et Calendes, 2001. p. 585.
  • Glenn Sujo, Legacies of silence - The visual arts and holocaust memory, Philip Wilson Publishers, 2001.
  • Adrian M. Darmon, Autour de l'art juif - Peintres, sculpteurs, photographes, Carnot, 2003, pp.140-141.
  • Phina Rosenberg, L'art des indésirables - L'art dans les camps d'internement français, 1939-1944, L'Harmattan, 2003.
  • Philippe Le Sturm, Margareth Le Guellec-Dabrowska, Pierre Maille, R. N. Antipova, Jean-Claude Marcadé, Dimitri Vicheney, Peintres russes en Bretagne, Musée départemental breton de Quimper / Éditions Palantines, 2006, p. 36-37 (ISBN 2-911434-56-0).
  • Dominique Jarassé, « Visions françaises de la Palestine de l'entre-deux-guerres - Feder et l'orientalisme juif français » dans ouvrage collectif sous la direction de Dominique Timbur et Ran Aaronsohn, De Balfour à Ben Gourion - Les puissances européennes et la Palestine, CNRS Éditions, 2008.
  • Marc Restillini, La collection Jonas Netter - Modigliani, Soutine et l'aventure de Montparnasse, Éditions de la Pinacothèque de Paris, 2012.
  • Martin Gilbert, The Holocaust - The human tragedy, Rosetta Books, 2014.
  • Limore Yagil, Au nom de l'art, 1933-1945 - Exils, solidarités, engagements, Fayard, 2015.
  • Sous la direction de Nadine Nieszawer (préface de Claude Lanzmann), Histoires des artistes Juifs de l'École de Paris, 1905-1939, (Denoël, 2000 - Somogy, 2015) Les étoiles éditions, 2020, p.138-141.

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