Łucja Frey

Łucja Frey ou Łucja Frey-Gottesman, née le à Lemberg et probablement morte en 1942, est une médecin et neurologue polonaise, connue pour avoir décrit le syndrome qui portera plus tard son nom (voir parotidectomie). Elle est l'une des premières neurologues universitaires en Europe. Frey périt pendant la Shoah, probablement en 1942 dans le ghetto de Lwów à l'âge de 53 ans.

Biographie[modifier | modifier le code]

Łucja Frey est née le à Lemberg, alors partie de l'empire austro-hongrois, en tant que fille de l'entrepreneur en bâtiment Szymon Symcha Frey et de son épouse, Dina (née Weinreb)[1]. Frey et sa famille sont juifs[2]. Elle fréquente pourtant une école élémentaire chrétienne entre 1896 et 1900. Elle est diplômée de l'école secondaire Franciszek-Józef en tant qu'élève externe en 1907. Après ses études, elle étudie les mathématiques et la philosophie à l'Université de Lviv auprès du professeur Marian Smoluchowski (1872-1917)[3]. Elle est aussi étudiante à la faculté de philosophie de 1907 à 1912, mais après cinq ans, elle part pour Varsovie et commence à étudier la médecine[1].

Frey étudie la médecine de 1918 à 1923 et obtient son diplôme de médecine le . Ses études sont interrompues pendant un an en raison de la guerre polono-ukrainienne[1].

Après ses études, elle poursuit son travail en tant qu'assistante principale du professeur Kazimierz Orzechowski (1878–1942) dans sa clinique neurologique de l'Université de Varsovie[2],[4]. Fin 1928, elle quitte Varsovie pour retourner à Lwów et épouse un avocat nommé Mordechai (Marek) Gottesman (1887 à Komarno - 1941? )[1]. À partir de , elle travaille à la clinique neurologique de Lwów sur la rue Rappaporta en tant que consultante principale adjointe[3]. Elle donne naissance à sa fille, Danuta, en 1930[1].

Après l'invasion soviétique de la Pologne le et l'occupation subséquente de Lwów, Marek Gottesman est accusé d'activités contre-révolutionnaires et arrêté par le NKVD ; on ne sait rien de lui après cette date. En 1941, durant l'occupation allemande de Lwów, Łucja Frey est transférée dans le ghetto et forcée de travailler à la Ghettopoliklinik au numéro 112 de la Zamarstynowsk. Elle est probablement assassinée avec ses patients lors de la liquidation du ghetto en ou peu de temps après son expulsion vers le camp d'extermination de Belzec. Il n'existe aucune preuve qu'elle ou l'un de ses proches ait survécu[1],[2],[5].

Il y a beaucoup d'incertitudes sur sa vie. Selon le témoignage à Yad Vashem d'Hedwa Balat, la belle-sœur de Frey, Łucja et Marek auraient eu un fils nommé Jakub, né en 1919. Cependant, aucune autre source ne soutient cette déclaration et le biographe de Frey la trouve très peu probable[1].

Reconnaissance[modifier | modifier le code]

Jusqu'en 2004, il n'existait que de courts articles biographiques sur la vie de Łucja Frey : en polonais[2],[6],[7] suédois[8], et anglais[5],[9],[3],[10]. Ces publications répètent des faits fragmentaires et rares de la monographie classique d'Eufemiusz Herman sur les neurologues polonais[4]. De nouveaux faits sur sa vie tragique sont publiés dans la biographie de Mirjam Moltrecht[1]. Cependant, le nom de Frey est souvent omis ou mal orthographié (comme "Lucy"[11],[12] ou "Lucie"[13],[14]) dans de nombreux manuels et dictionnaires. Les dates de naissance et de décès du médecin et physiologiste autrichien Maximilian Ruppert Franz von Frey (1852-1932) étaient parfois données à tort comme siennes[13],[14].

Travaux[modifier | modifier le code]

La publication de Frey sur le syndrome du nerf auriculo-temporal, désormais largement connu sous le nom de « syndrome de Frey (en) » (« zespół Łucji Frey » en polonais), est publiée en 1923, d'abord dans la revue polonaise Polska Gazeta Lekarska, et plus tard cette même année dans la célèbre revue française Revue neurologique[15]. Ce n'est pourtant pas la toute première description de cette constellation de symptômes[16],[17]. Parmi les prédécesseurs de Frey se trouvent Brown-Sequard (1849)[18] et Henle (1855)[19] qui signalent tous les deux leurs propres symptômes[17]. Toutes ces observations manquaient d'une vision large de l'anatomie, de la pathologie et du mécanisme exact de la transpiration gustative. L'article de Łucja Frey « Przypadek zespołu nerwu usznoskroniowego » (« Le Syndrome du nerf auriculo-temporel ») est considéré comme la première description du phénomène. Frey est la première à reconnaître ce syndrome comme un trouble des innervations sympathiques et parasympathiques[5].

L'éponyme « syndrome de Frey » est introduit dans la littérature médicale par Henryk Higier en 1926[20] et en 1932 par Bassoe[21]. En reconnaissance des descriptions antérieures de ce syndrome, il est aussi parfois appelé syndrome de Baillarger, syndrome de Frey-Baillarger ou syndrome de Dupuy[22].

Outre cet important travail, Frey publie des articles sur les effets des poisons végétaux sur la dégénérescence de la moelle épinière[23], la topographie du tronc cérébral[24], la sclérose latérale amyotrophique[25], les articulations de Charcot, les anévrismes médullaire du plexus [26], les kystes des ventricules cérébraux[27], les tumeurs du clivus[28], les tumeurs du lobe frontal et les tumeurs rétrospléniales[29].

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f g et h (de) Mirjam Moltrecht, Dr. med. Lucja Frey. Eine Ärztin aus Lwow 1889-1942. Rekonstruktion eines Lebens, Hartung Gorre Verlag Konstanz, (lire en ligne)
  2. a b c et d (pl) Gliński JB, Słownik biograficzny lekarzy i farmaceutów ofiar drugiej wojny światowej, Wrocław, Wydawnictwo Medyczne Urban & Partner,
  3. a b et c (en) Burton Mj et Brochwicz-Lewinski M, « Lucja Frey and the Auriculotemporal Nerve Syndrome », sur Journal of the Royal Society of Medicine, (PMID 1744848, consulté le )
  4. a et b (pl) Eufemiusz Herman, Neurolodzy polscy, Varsovie, Państwowy Zakład Wydawnictw Lekarskich, , p. 225-227
  5. a b et c (en) Izabela Maciejewska, Jerzy Dziewiątkowski et Edyta Spodnik, « Lucja Frey: A pioneering physician in tragic times », Clinical Anatomy, vol. 20, no 6,‎ , p. 588–590 (ISSN 1098-2353, DOI 10.1002/ca.20481, lire en ligne, consulté le )
  6. (en) Bennet Jd et Pietruski J, « [Lucja Frey (1889-1943) in the 50th Anniversary of Her Tragic Death and 70th Anniversary of the Auriculotemporal Syndrome] », sur Otolaryngologia polska = The Polish otolaryngology, (PMID 8255594, consulté le ), p. 378-382
  7. (pl) Herman E, « Wspomnienia pośmiertne », Neurologia Polska, no 24,‎ , p. 27-28
  8. (sv) Erkki Hakulinen, « Känd för sin beskrivning av en gustatoriskt utløst svettning i ansiktet », Läkartidningen, no 4,‎ , p. 211-212
  9. (en) Bennett Jd, « The Woman Behind the Syndrome: Frey's Syndrome--The Untold Story », sur Journal of the history of the neurosciences, (PMID 11618815, consulté le )
  10. (en) O'Neill Jp et Condron C, « Lucja Frey--historical Relevance and Syndrome Review », sur The surgeon : journal of the Royal Colleges of Surgeons of Edinburgh and Ireland, (PMID 18581755, consulté le )
  11. (en) Janfaza, Parviz,, Surgical anatomy of the head and neck, Lippincott Williams & Wilkins, , 932 p. (ISBN 978-0-674-41783-0 et 0-674-41783-6, OCLC 877868534, lire en ligne), p. 418
  12. Grewal, D. S., Atlas of facial nerve surgery, Jaypee Brothers Medical Publishers, (ISBN 978-0-07-148576-0, 0-07-148576-7 et 978-0-07-148577-7, OCLC 70328137, lire en ligne)
  13. a et b Bartolucci, Susan L. et Forbis, Pat, 1940-, Stedman's medical eponyms, Lippincott Williams & Wilkins, (ISBN 0-7817-5443-7 et 978-0-7817-5443-9, OCLC 55990254, lire en ligne), p. 899
  14. a et b (en) Hoffmann-La-Roche-Aktiengesellschaft (Grenzach-Wyhlen), Roche-Lexikon Medizin : [62.000 Stichwörter, Tabellen, 40.000 englische Übersetzungen], Urban & Fischer, (ISBN 3-437-15150-9, 978-3-437-15150-7 et 3-437-15180-0, OCLC 643188574, lire en ligne), p. 646
  15. Frey Ł., « Le syndrome du nerf auriculo-temporal », Revue neurologique, vol. 2,‎ , p. 97-104
  16. (en) Dulguerov P et Marchal F, « Frey Syndrome Before Frey: The Correct History », sur The Laryngoscope, (PMID 10499057, consulté le )
  17. a et b (en) Dunbar Em et Singer Tw, « Understanding Gustatory Sweating. What Have We Learned From Lucja Frey and Her Predecessors? », sur Clinical autonomic research : official journal of the Clinical Autonomic Research Society, (PMID 12269550, consulté le )
  18. Brown-Séquard C-E, « Production de sueur sous l’influence d’une excitation vive des nerfs du goût », Compte Rendu Société de Biologie,‎ , p. 104
  19. (de) Henle J, Handbuch der rationnellen Pathologie, vol. 1, , 3e éd., p. 236
  20. (de) Higier S., « Das auriculo-temporale syndrom und seine pathogenese », Z Ges Neur Psych, no 106,‎ , p. 114–119
  21. (en) Bassoe PN., « The auriculotemporal syndrome and other vasomotor disturbances about the head », Med North Am, no 16,‎ , p. 405–412
  22. (en) « Frey's syndrome », sur Who Named It?
  23. (pl) Frey Ł., « O działaniu jadów wegetatywnych na drżenie włókienkowe w sprawach zanikowych pochodzenia rdzeniowego », Księga Pamiątkowa XII Zjazdu Lek Przyr 2,‎ 1925-1926
  24. (pl) Frey Ł., « Przyczynki do nauki o topografii w trzonie mózgowym. Ogniska boczne i środkowe w rdzeniu przedłużonym », Neurologia Polska, vol. 2, no 8,‎ , p. 124-142
  25. (pl) Frey Ł., « Orzechowski K. Zmiany anatomiczne w chorobie Charcota », Neurologia Polska, vol. 3-4, no 8,‎ , p. 196-219
  26. (pl) Frey Ł., « Przypadek tętniaka splotowatego rdzenia », Neurologia Polska, vol. 1-2, no 9,‎ , p. 21-30
  27. (pl) Frey Ł., « Pokaz mózgu z torbielą III komory », Warszawskie Czasopismo Lekarskie, no 14,‎
  28. (pl) Frey Ł., « Przypadek chorego z guzem stoku Blumenbacha », Polska Gazeta Lekarska, no 14,‎ , p. 328
  29. (pl) Frey Ł., « Przypadek guza retrosplejalnego », Neurologia Polska, no 11,‎ , p. 319-320

Liens externes[modifier | modifier le code]