Épistocratie

L’épistocratie, aussi appelée épistémocratie, est un système politique qui accorde plus de crédit ou de pouvoir à des personnes ayant une meilleure maîtrise des sujets traités dans la prise de décisions.

Étymologie[modifier | modifier le code]

Le mot « épistocratie » vient du grec ἐπιστήμη, « science » dans le sens de « savoir », et de κράτος, « souveraineté ».

Principe[modifier | modifier le code]

Le principe de l'épistocratie est d'accorder plus de crédit, de pouvoir à des personnes ayant une meilleure maîtrise des sujets traités[1].

Beaucoup de décisions de notre vie quotidienne sont prises selon les principes de l'épistocratie (hauts diplômés, Prix Nobel…), mais aussi, et essentiellement, dans les entreprises où les décisions sont prises à l'issue de réunions où sont conviées les parties prenantes des décisions, les personnes concernées, et surtout les experts qui vont leur permettre de se décider.

En politique, l'épistocratie tend à nommer des experts reconnus aux postes clefs dépendant de leur domaine d'activité.

Défenseurs[modifier | modifier le code]

Plusieurs philosophes proposent des systèmes épistocratique :

Dans le livre V de La République, c'est le philosophe roi qui gouverne la cité idéale selon Platon.

L'idée est entre autres développée par Socrate, qui explique notamment que le philosophe roi, en s’élevant vers le monde des Idées, atteint un désintéressement du pouvoir qui lui permet de bien gouverner[2].

John Stuart Mill suggère de donner des droits de vote supplémentaires aux citoyens ayant un diplôme universitaire ou exerçant un métier intellectuel.[réf. nécessaire]

Jason Brennan (en) évoque des mesures à considérer : le droit de vote pourrait être réservé à ceux qui auraient passé avec succès un examen de connaissances politiques de base ; les citoyens disposant de compétences politiques confirmées pourraient bénéficier de droits de vote supplémentaires.

Critiques[modifier | modifier le code]

Si en théorie l'épistocratie semblerait plus efficace que la démocratie, elle a le défaut de diviser la population en deux catégories : ceux qui savent et qui ont donc le pouvoir, et ceux qui ne savent pas et qui n'ont donc pas le pouvoir, avec le risque de la création d'une oligarchie. On pourrait même admettre qu'il s'agit bel et bien d'une oligarchie, à partir du moment où le pouvoir est détenu uniquement par « ceux qui savent ». L'interrogation peut toutefois porter sur la possibilité d'étendre progressivement le dit savoir, afin de permettre à une portion de plus en plus large de la population de participer activement à la vie politique. Ici se trouve mis en avant la question de savoir si l'oligarchie que représente l'épistocratie serait susceptible de basculer progressivement vers un système plus démocratique.

Vers une algocratie[modifier | modifier le code]

En 2016, John Danaher, de l'université nationale d'Irlande à Galway, évoque l'imminence ou la « menace d'une algocratie », c'est-à-dire une situation où le pouvoir décisionnel serait pris en charge par les algorithmes, via l'exploration de données et limiterait la participation humaine[3]. Cela donnerait lieu à un favoritisme épistémique envers les systèmes algorithmiques, dont l'opacité, d'éventuels biais et la discrétion rendent la compréhension difficile, voire impossible, pour la majorité des êtres humains. Le concept de l'algocratie serait ainsi de nature spéculative, mais néanmoins en cours de concrétisation[3].

Le mot « algocratie » figure déjà dans le titre de trois livres entre 2020 et 2023 : Résister à l’algocratie. Rester humain dans nos métiers et dans nos vies de Vincent Magos, Algocratie. Vivre libre à l’heure des algorithmes d'Arthur Grimonpont, Algocratie. Allons-nous donner le pouvoir aux algorithmes ? de Hugues Bersini. Adrien Tallent note que l'économie spéculative (bourse, banque, fonds d'investissements) fonde de plus en plus ses décisions sur des algorithmes financiers (ex. : « le fond américain BlackRock, utilise notamment l’intelligence artificielle Aladdin[4], outil d’investissement capable d’évaluer les risques financiers et qui a contrôlé jusqu’à 20 000 milliards de dollars d’actifs financiers »[5].

Dans les années 2010, la prise de décisions dans les pays industrialisés correspondrait davantage au modèle de l'épistocratie, notamment dans sa dimension technique, la technocratie, où les experts techniques se trouvent en position d'autorité[réf. souhaitée].

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Brennan 2016.
  2. « Colloque Cercop 2017 », brochure,‎ , p. 2 (chrome-extension://oemmndcbldboiebfnladdacbdfmadadm/http://www.droitconstitutionnel.org/prog.%20colloque%20cercop%202017.pdf)
  3. a et b (en) John Danaher, « The Threat of Algocracy : Reality, Resistance and Accommodation », Philosophy & Technology, vol. 3, no 29,‎ , p. 245-268 (lire en ligne).
  4. « BlackRock : « Aladdin » et l’investissement merveilleux », sur Le Monde, (consulté le ).
  5. Adrien Tallent, « « L’envers des mots » : Algocratie », sur The Conversation, (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

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