Épigrammes (Martial)

Épigrammes
Édition d'Udalricus Scinzenzeler[1], Milan, 1490.
Titre original
(la) EpigrammataVoir et modifier les données sur Wikidata
Comprend
Epigrammata 1 (d)
Epigrammata 9 (d)
Epigrammata 8 (d)
Epigrammata 10 (d)
Epigrammata 12 (d)
Epigrammata 11 (d)
Epigrammata 13 (d)
Epigrammata 7 (d)
Epigrammata 5 (d)
Epigrammata 2 (d)
Epigrammata 6 (d)
Epigrammata 3 (d)
Epigrammata 4 (d)
Epigrammata 14 (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Langue
Auteur
Genres

Les Épigrammes (en latin, Epigrammata ou Epigrammaton libri XII) du poète latin Martial (v. 40 - v. 104) sont la principale de ses œuvres. Il s'agit d'un recueil en douze livres de courts poèmes relevant du genre de l'épigramme. Ces poèmes ont été composés entre 85 et 98, à l'exception de ceux qui ont été réunis dans le livre XII, qui datent d'environ 102, après son retour dans sa ville natale.

L'œuvre connut de nombreuses imitations[2].

Composition de l'œuvre[modifier | modifier le code]

Martial porte à son apogée le genre de l'épigramme, illustré en grec par des poètes[3] comme Méléagre de Gadara (au IIe siècle avant Jésus-Christ) et introduit dans la littérature latine par Catulle.

Les douze livres des Épigrammes comportent un peu moins de 1 200 pièces, courtes ou très courtes. Les plus courtes ne font que deux vers ; il est rare qu'elles dépassent 15 à 20 vers ; la plus longue[4] (III, 58) comprend 51 vers. La répartition entre les douze livres est équilibrée : chaque livre comprend entre 82 et 108 pièces.

La métrique mise en œuvre par Martial est variée et il sait parfaitement jouer de la variété des rythmes et la mettre en accord avec le thème qu'il traite. Parmi les huit mètres qu'il emploie, trois dominent : le distique élégiaque (de loin le plus fréquent, il représente près des quatre-cinquièmes de l'ensemble), l'hendécasyllabe phalécien et différentes variantes du trimètre iambique[5].

Cinq livres (I, II, VIII, IX, XII) sont précédés de préfaces ou de lettres-préfaces en prose.

Certains manuscrits et de nombreuses éditions associent aux douze livres des Épigrammes d’autres œuvres de Martial qui ne font pas à proprement parler partie du recueil. Il s’agit du Liber spectaculorum, première œuvre de l’auteur et à ce titre placé en tête, des Xenia et des Apophoreta, parfois considérés comme livre XIII et livre XIV. Il ne s’agit pas d’épigrammes, mais ces pièces peuvent s’en rapprocher par la forme courte et parfois la présence de traits d’esprit.

Datation des douze livres[modifier | modifier le code]

Les onze premiers livres ont été composés à Rome ou en Italie[6] entre 85 et 98 (date du retour de Martial en Espagne), à raison d'un livre environ par an[7]. Le livre XII a été écrit en Espagne, à Bilbilis, en 101-102, mais incorpore certainement des pièces antérieures.

Manuscrits et éditions[modifier | modifier le code]

Il existe trois familles de manuscrits[8] : l'une d'elles, la seule à donner le Liber spectaculorum, ne contient qu'un choix des épigrammes, mais fournit souvent les meilleures leçons ; sa particularité est de remplacer les termes les plus osés par des termes équivalents mais moins scabreux.

L'édition princeps a été publiée à Rome en 1470. Parmi les nombreuses éditions ultérieures, il faut noter celle du philologue hollandais Pieter Schryver (Scriverius), publiée à Leyde en 1618-1619, qui contient des notes et commentaires de nombreux humanistes, l'édition critique approfondie de Friedrich Wilhelm Schneidewin (1842), l'édition de Ludwig Friedländer (1886) pour la qualité de son commentaire, l'édition de W. M. Lindsay (Oxford, Clarendon Press, 1902).

Thèmes traités[modifier | modifier le code]

Les thèmes que l'on rencontre dans les Épigrammes rejoignent souvent ceux de la satire, mais le traitement est différent : la forme courte oblige à concentrer le trait d'esprit et la portée morale est absente ou discrète.

Rome, la ville et ses habitants, sont au centre de son inspiration[9]. Martial s'appuie sur son expérience, sur ce qu'il vit et ce qu'il voit. Il nous décrit sa pauvre demeure — une chambre au troisième étage d'un immeuble — et son quartier, populaire et bruyant, assez loin du centre, sur le Quirinal, Ad Pirum[10].

Conceptions littéraires. L'auteur et ses livres[modifier | modifier le code]

Un nombre non négligeable d'épigrammes tournent autour de questions littéraires, surtout la conception que se fait Martial du genre épigrammatique, ou mettent en scène la relation entre l'auteur et ses livres ou entre l'auteur et son public.

Martial s'adresse souvent à ses livres. Ainsi fait-il par exemple au début du livre III, où, dans trois épigrammes[11], il interpelle son livre. Il lui recommande de se trouver un bon protecteur, s'il ne veut pas finir en papier d'emballage[12]. Il s'adresse aussi au lecteur, lui indique où il peut acheter son livre[13] et à quel prix, présente son contenu et son apparence extérieure[14].

Postérité[modifier | modifier le code]

Martial a eu des continuateurs dans la littérature latine antique, principalement Ausone (Epigrammata de diuersis rebus) et Claudien ; mais les pièces courtes de ce dernier, en distiques élégiaques, relèvent plus de la virtuosité descriptive que de l'inspiration caustique de Martial[15]. Il continue d'être lu et il est cité dans l’Histoire Auguste, chez Sidoine Apollinaire et plusieurs grammairiens. Au Moyen Âge, il est toujours lu, comme en témoignent les nombreux manuscrits qui nous ont transmis son œuvre et le Florilegium Gallicum (milieu du XIIe siècle), qui donne un choix de ses épigrammes.

Les Épigrammes de Martial ont eu une influence importante en Europe entre le XVe et le XVIIIe siècle et ont été souvent imitées, dans un premier temps surtout en latin, puis dans les langues nationales. Clément Marot introduit l'épigramme dans la littérature de langue française et imite plusieurs des pièces du poète latin. Les adaptations se multiplient au XVIIe et au XVIIIe siècles, comme celles du duc de Montausier[16].

À partir du XIXe siècle, Martial est moins apprécié : d'abord, son obscénité dérange ; plus tard, c'est la forme poétique de l'épigramme qui n'est plus prisée, à l'exception de quelques rares poètes comme Jean Richepin.

En 1920, les Épigrammes de Martial sont parodiées par Georges Fourest dans ses Douze épigrammes plaisantes imitées de P.V. Martial, chevalier romain, par un Humaniste facétieux[17]. Les parodies de Fourest sont rééditées en 2017[18], suivies des Dix épigrammes nouvelles non moins gaillardes que les précédentes[19]. Enfin, les épigrammes de Martial sont résumées en « langage boloss » par les Boloss des Belles Lettres dans l'ouvrage édité en 2016 par la maison d'édition des « Budé »[20],[21].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Ulrich Scinzenzeler est un imprimeur d'origine allemande actif à Milan à la fin du XVe siècle. Il est le père de l'imprimeur milanais Giovanni Angelo Scinzenzeler (de).
  2. Girard 1992.
  3. L’Anthologie grecque nous a transmis beaucoup d'épigrammes de diverses époques.
  4. C'est la description d'une maison de campagne de Baïes donnée comme modèle d'exploitation bien gérée.
  5. René Martin et Jacques Gaillard, Les genres littéraires à Rome, t. II, Paris, Scodel, 1981, p. 159 ; Étienne Wolff, Martial ou l’apogée de l’épigramme, cité en bibliographie, § 58 et suivants.
  6. Selon l'épigramme III, 4, le troisième livre a été composé, ou au moins achevé, en Cispadane, où Martial a séjourné à Forum Iulii (aujourd'hui Imola) sur la Via Aemilia.
  7. Comme Martial le laisse entendre en X, 70, 1.
  8. Introduction de l'édition Izaac (collection des universités de France), t. I, p. XXI-XXXVII.
  9. Étienne Wolff, op.cit., p. 47 et suiv.
  10. I, 117.
  11. III, 2, 4 et 5.
  12. III, 2 : cf. III, 5.
  13. I, 2 et 3 : dans le quartier de l'Argilète, où abondaient les boutiques de libraires.
  14. Il insiste souvent sur le fait que ses livres sont petits et courts. I, 2 : on peut les tenir d'une seule main, ce sont donc de bons compagnons de voyage. Cf. II, 1.
  15. René Martin et Jacques Gaillard, op. cit., p. 159-160.
  16. Denis Lopez, La Plume et l’épée : Montausier (1610-1690), Paris-Seattle-Tübingen, W. Leiner, 1987, p. 71-87.
  17. Georges Fourest, Douze épigrammes plaisantes : imitées de P.V. Martial, chevalier romain, par un Humaniste facétieux, Paris, La Connaissance, (BNF 35285181)
  18. Georges Fourest, Vingt-deux épigrammes plaisantes imitées de M. V. Martial, chevalier romain, Tusson, Éditions du Lérot, , 76 p. (ISBN 978-2-35548-118-5, BNF 45327605)
  19. « Georges Fourest, Vingt-deux épigrammes plaisantes », Stéphane Le Couëdic, 17 novembre 2017, Boojum, l'animal littéraire (lire en ligne)
  20. Collectif Les Boloss des Belles lettres, Quentin Leclerc et Michel Pimpant, IOLO : Connais-toi toi-même, tu sais, Paris, Les Belles Lettres, , 214 p. (ISBN 978-2-251-44569-4, BNF 44523342)
  21. « Les Boloss des Belles Lettres. IOLO », table des matières, Les Belles Lettres (lire en ligne)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

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Éditions[modifier | modifier le code]

Études[modifier | modifier le code]

  • Corinne Girard, Les Traductions françaises de Martial de la renaissance à nos jours : matériau pour une étude socio-critique de la traduction (mémoire de maîtrise), Paris-IV,
  • Étienne Wolff, Martial ou l’apogée de l’épigramme, Presses universitaires de Rennes, collection «Interférence», 2008, 149 p. (ISBN 9782753505711) (lire en ligne).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]